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ExpAIR stikstofconcentratie

 

Au-dessus de la limite européenne

Comme le montre la carte, l'air le plus pollué se trouve principalement dans la première couronne de Bruxelles. Cette partie de la carte est principalement colorée en violet, rouge, orange et jaune. Les points rouges et violets indiquent une concentration de 40 µg/m³ ou plus, ce qui est supérieur à la valeur limite européenne. Ainsi, partout où la couleur est rouge ou violette, la valeur limite européenne a été dépassée, ce qui est déjà plusieurs fois supérieur au seuil fixé par l'OMS. Autour de cette première couronne bruxelloise, la carte donne le résultat inverse : essentiellement des points verts et bleus.

Comme vous pouvez le voir ci-dessous, c'est dans la première couronne que le taux de motorisation est le plus faible. Pourtant, c'est là que la qualité de l'air est la plus mauvaise...

ExpAIR autobezit

 

La première couronne de Bruxelles est celle où les gens vivent le plus près les uns des autres et où les transports publics sont les mieux équipés. La forte densité d'occupation permet également des déplacements plus courts (Ermans & Henry, 2022). Cela peut expliquer le faible taux de motorisation.

Doublement puni

Mais si le taux de motorisation y est plus faible, pourquoi la pollution de l'air y est-elle plus importante ? En effet, l'utilisation de la voiture dans la première couronne de Bruxelles a des répercussions plus évidentes sur la qualité de l'air. Lorsque le trafic rejette du dioxyde d'azote, il ne peut pas s'échapper aussi facilement en raison de la densité plus élevée dans le centre de la ville. Les grands immeubles proches les uns des autres peuvent créer des streetcanyons2 et le peu d'espace public rend difficile l'évacuation de la pollution de l'air. De plus, il y a trop peu d'espaces verts (< 20 %) dans les quartiers de la première couronne et du nord-ouest de Bruxelles.

 

ExpAIR groene ruimte
Médor, Ziek Brussel, 2022

 

Moins d'espaces verts, plus de densité, un air moins bon en première couronne et dans le nord-ouest de Bruxelles... cette somme de facteurs fait que les habitants de cette zone sont doublement pénalisés. Ils vivent dans des conditions où les concentrations de pollution atmosphérique sont élevées et où les espaces verts sont rares. Le contraste est saisissant avec les quartiers où le taux de motorisation est beaucoup plus élevé, mais où la qualité de l'air est souvent meilleure et où l'on trouve davantage d'espaces verts. Il existe donc à Bruxelles une inégalité sociale en termes de pollution de l'air qui se propage de manière injuste.  Il est donc d'autant plus important de mesurer la qualité de l'air dans les quartiers les plus vulnérables. C'est ce que nous cartographions également avec le projet ExpAIR.

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1. (2015-2019). Source : Bruxelles Environnement.
2. Rues étroites avec des immeubles de grande hauteur. Dans ces rues, les gaz d'échappement sont moins bien dilués et la pollution atmosphérique peut s'accumuler.

 

Ces deux dernières années, le Métro 3 a multiplié les déboires : le Palais du Midi, qui représente 15.000 m² d’équipements collectifs et de commerces, est menacé de démolition ; le chantier à la gare du Nord est bloqué ; et le coût annoncé pour l’extension vers Bordet a doublé. Alors que les perspectives financières de la Région ne sont pas rassurantes[1], une solution est aujourd’hui étudiée pour sauver le projet : un Partenariat Public-Privé (PPP). Parce que ce mécanisme de financement engendre d’importants surcoûts qui grèveront les investissements futurs de la Région, nous estimons qu’il est dangereux pour celle-ci de s’engager dans la voie tracée par le ministre des Finances, et soutenue par plusieurs formations politiques2.

Un PPP augmentera encore la facture du Métro 3

En Belgique, deux projets récents témoignent que les PPP induisent des surcoûts très importants. Le tram de Liège, évalué initialement à 400M€, aura finalement coûté plus d’un milliard d’euros3. La construction du tunnel ferroviaire vers Bruxelles-National (projet Diabolo), pour laquelle le « partenaire » privé a investi 290M€ en 2012, devrait lui rapporter la bagatelle de 1,2 milliard d’euros d’ici 2047 – une énorme plus-value alimentée notamment par le surcoût à charge des usagers (6,7€ par trajet en 2024) et un versement au consortium privé de 0,5 % des recettes tarifaires totales de la SNCB4. Le tram de Liège et le tunnel Diabolo témoignent que les infrastructures financées via des PPP sont bien plus chères que si elles l’étaient sur fonds publics.

Ce constat s’applique également à l’étranger. Dans son audit de 12 PPP co-financés par l’UE, la Cour des comptes européenne ne tergiverse pas : elle y voit « de multiples insuffisances et des avantages limités » : « la majorité des PPP audités ont […] pâti d’un manque considérable d’efficience, qui s’est traduit par des retards de construction et par une forte augmentation des coûts »5.

Quant au Métro 3, le journal Le Soir avance déjà que le montage financier « coûte[ra] plus cher au contribuable »6, une perspective partagée par L’Écho : « les PPP ont la réputation de coûter plus cher, en valeur absolue, aux pouvoirs publics »7. Envisager un PPP pour financer le Métro 3, c’est donc entériner par avance un énième surcoût, à savoir le rendement qu’assurera la Région aux capitaux de son « partenaire » privé.

Un PPP renforcera l’austérité budgétaire

Du point de vue des pouvoirs publics, les PPP présentent un intérêt comptable : les investissements consentis via un PPP peuvent être « sortis » des comptes (ou « déconsolidés ») et n’affectent donc pas le déficit public, calculé sur une base annuelle. Mais il n’en reste pas moins que les PPP grèvent durablement les capacités budgétaires des pouvoirs publics, qui s’engagent à verser sur un temps long une rente annuelle aux « partenaires » privés.

Or, rappelons que pour maintenir les investissements colossaux que réclame notamment le Métro 3, le gouvernement actuel a fait en 2024 le choix de l’austérité en réduisant, entre autres, les frais de personnel des administrations, tout en augmentant les tarifs du transport public, désormais indexés annuellement. À moins de générer de nouvelles et très importantes recettes, la Région sera contrainte de renforcer cette austérité budgétaire si elle persiste avec le Métro 3, d’autant plus si elle le finance par un PPP.

L’amélioration de la mobilité à Bruxelles ne peut attendre un PPP

Outre ses impacts délétères sur la capacité d’investissement future de la Région, un éventuel PPP ne pourra pas être élaboré rapidement : « Ce n’est pas une procédure que l’on va boucler en deux ou trois ans », nous renseigne le ministre des Finances8. L’amélioration de la mobilité à Bruxelles, en particulier dans le nord-est, ne peut pas attendre plusieurs années. Des solutions rapides et peu onéreuses existent pour améliorer la desserte de Schaerbeek et Evere, dont l’exploitation de la ligne 55 avec des trams plus grands.

Plutôt que s’évertuer à sauver un projet embourbé avec des propositions délétères pour la Région, IEB, l’ARAU et le Bral demandent la mise en œuvre du Prémétro+, une alternative sobre et réaliste permettant de répondre aux enjeux de mobilité tant dans le centre que dans le nord-est9. Et ce pour un coût immensément moindre que celui du Métro 3 – d’autant plus si c’est par un « partenariat » public privé que la Région entend le financer.
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[1]L’Écho, « La dette bruxelloise devrait grimper à 19 milliards d'euros en 2028 », 07/07/23.
[2]BX1, « Métro 3 : Pascal Smet se dit favorable à un partenariat public-privé », 17/05/24 ; DH, « Les Écolos seuls contre tous, la gauche contre un appel au privé, extensions à Uccle… : voici les positions des partis bruxellois quant au métro 3 », 03/06/2024
[3]Le Soir, « Les extensions du tram de Liège coûteront 355 millions », 01/02/24.
[4]La Libre, « Connexion Diabolo vers Brussels Airport : la coûteuse épine dans le pied du rail belge », 07/02/24.
[5]Cour des comptes européenne, « Les partenariats public-privé dans l’UE: de multiples insuffisances et des avantages limités », n°9, 2018.
[6]Le Soir, « Un partenariat ... », op. cit.
[7]L’Écho, « La piste d’un partenariat PPP jugée réaliste sous conditions pour le métro 3 », 24/05/24.
[8]Idem.
[9]Premetroplus.be

 

Les project lines ? Les réunions de projet ? La soirée avait pour but de démystifier ces concepts dont on entend parler via la presse mais qui sont rarement traités dans le débat public. Nous avons demandé aux intervenants de partager la genèse des outils, d’expliquer leur fonctionnement et de donner un commentaire plus général ou des pistes d’améliorations.  

Pour l’occasion, nous accueillions Kristiaan Borret, Bouwmeester Maitre Architecte (BMA) bruxellois et porteur des project lines et François Timmermans, Premier attaché et coordinateur à la Direction de l’Urbanisme d’Urban où il est chargé des réunions de projet.  Benoit Périlleux, président de la Commission régionale de développement (CRD) et présent à titre individuel était invité pour nous faire part de son expérience et ses retours en la matière. 

 

Black box van de stedenbouw 2

 

Project lines / Urban ruling 

Genèse

La nouvelle décision en matière d’urbanisme est à présent connue sous deux noms, l’urban ruling et les project lines. Le BMA préfère cette dernière car l’Urban Ruling évoque le fiscal ruling, qu’il décrit comme une manière « propre » de faire de la fraude fiscale.  

Nous sommes aujourd’hui face à une atomisation de la consultation entre les promoteurs immobiliers et les instances publiques. Il est impératif d’éviter le shopping entre les administrations et le gouvernement. Trop souvent, ces échanges se passent de manière informelle au téléphone ou au restaurant alors que ces rencontres devraient avoir lieu dans des salles de réunions. Pour ce faire, les autorités doivent prendre les devants et atteindre un consensus sur leurs visions pour les projets en question. Ce n’est que de cette manière-là qu’on atteindrait une bonne gouvernance formelle sur les grands projets.

La « black box » de l’urbanisme n’a jamais été aussi blanche qu’aujourd’hui.

- Kristiaan Borret, BMA

 

Fonctionnement

Les discussions autour des project lines se déroulent en amont d’une vente immobilière. L’idée est de responsabiliser le propriétaire et éviter qu’il ne vende son bâtiment au candidat acquéreur le plus offrant. Cette note esquisse un cadre de développement acceptable et prend compte les autres cadres stratégiques et réglementaires en vigueur. Ce sont les mêmes autorités se trouvant autour de la table des Réunions de projet qui valident cette note de vision pour le redéveloppement d’un site.  

Si cette décision anticipée en matière d’urbanisme permet en règle générale de revoir les ambitions du vendeur à la baisse, elle reste à caractère indicatif comme elle n’a pas de fond juridique. Pour que ça marche, les autorités autour de la table doivent porter collectivement la note. Cela devient alors plus compliqué pour le candidat acquéreur et le vendeur d’ignorer ce qui se trouve dans les project lines.  

Selon le BMA, les candidats acquéreurs apprécient en général cette démarche puisqu’ils obtiennent de la clarté sur ce qui est possible (ou non).   

Commentaires généraux et pistes d'amélioration

  1. Les instances publiques doivent se mettre d’accord sur le contenu de la note. Elle doit également uniquement inclure les grandes lignes. Certaines instances veulent parfois tout y mettre alors que ce n’est pas le but de remplacer les PPAS.  
  2. Au niveau de la transparence, il est important que les instances publiques aient également l’occasion de se rencontrer entre elles, sans société civile ou riverains. Il faut par contre être en mesure de se justifier en tant que pouvoir public. Le BMA ne voit pas spécialement de participation pendant les project lines ou les réunions de projet. La participation doit être plus généralement améliorée et avancée lors d’une éventuelle réforme des mesures particulières de publicité.  
  3. Il serait techniquement impossible d’organiser des réunions participatives en amont des project lines étant donné qu’il n’y a pas de porteur de projet mais uniquement des candidats acquéreurs.  
  4. Kristiaan Borret estime que la « black box » de l’urbanisme n’a jamais été aussi blanche qu’aujourd’hui. Les project lines ont lieu avant la vente, les réunions de projet avant l’octroi du permis. Ce qui se déroulait en coulisses avant se passe actuellement dans des réunions avec un PV officiel.  

 

Réunions de projet

Genèse

Les contacts au préalable entre les porteurs de projets et les administrations ont toujours été fréquents mais peu organisés et cadrés. Ceux-ci se faisaient de manière informelle et une grande différence existait en fonction des communes et des administrations concernées.  

Lors de la dernière réforme du CoBAT en 2017, une volonté de clarifier et formaliser ces contacts s’est traduite par un article (n° 188). Une circulaire de 2020 est venue préciser l’article et définit comment les réunions doivent s’organiser. 

Fonctionnement

Tout demandeur de permis peut solliciter une réunion de projet. C’est Urban.brussels qui décide d’accepter la demande ou de la renvoyer aux communes. Les premières réunions de projet ont eu lieu pendant le COVID et le processus était compliqué avec les réunions en ligne. Chaque réunion dure 1h15 et le PV est envoyé au porteur de projet par après. Il y a généralement sept ou huit réunions par projet et toujours le mercredi et le vendredi, quand les communes ont moins de commissions de concertation.  

Commentaires généraux

Au début il n’y avait pas de PV. Comme la Région devait se prononcer sur les projets, cela rendait les discussions ayant parfois lieu plusieurs mois plus tard compliquées. Il y avait des demandes de tous les côtés pour rédiger des PV. Le grand public peut à présent obtenir les PV sur demande. Par contre, aucune publication généralisée sur le site web d’Urban.brussels n’est à l’agenda.   

L’instruction d’un permis devient de plus en plus complexe et voici certains points d’attention pour les réunions de projet.  

  1. Le délai de dix jours pour se prononcer et donner son avis sur un projet est beaucoup trop court. Alors que l’instruction d’un permis dure plus d’un an.  
  2. Il existe énormément de divergences entre les administrations et très peu de souplesse dans les discussions.  
  3. Certains architectes ou porteurs de projet veulent co-dessiner le projet. Quelles sont leurs attentes exactes lors d’une réunion de projet ?  
  4. Les réunions de projet requièrent beaucoup plus de professionnalisme de la part des administrations. 
  5. Il manque un corpus en fonction du lieu – ce ne sont pas les mêmes recommandations en fonction de la commune pour un bâtiment ou un projet similaire.   
  6. Qu’en pensent les riverains ? Ce serait intéressant de le savoir plus tôt. À Bruxelles on avait l’enquête publique sur le cahier de charges qui était très intéressant à ce sujet. En Wallonie les réunions intermédiaires de projet (RIP) ont pour but de : 
    1. « permettre à l'auteur de projet de présenter son projet 
    2. permettre au public de s'informer et d'émettre ses observations et suggestions concernant le projet 
    3. mettre en évidence des points particuliers qui pourraient être abordés dans l'étude d'incidences 
    4. présenter des alternatives pouvant raisonnablement être envisagées par le demandeur afin qu'il en soit tenu compte lors de la réalisation de l'étude d'incidences » (extrait de https://memoire-inondations.wallonie.be/)  
  7. La complexité du traitement de permis d’urbanisme requiert des cadres réglementaires clairs, hiérarchiques, lisibles et complets. Autant les administrations que les porteurs de projet en sont demandeurs.  

 

Black box van de stedenbouw 3

 

Remise en perspective par Benoit Périlleux 

La difficulté pour les autorités est de devoir continuellement travailler dans l’urgence. Faire la balance entre les enjeux immédiats et plus longs termes n’est pas évident. Les Plans Particuliers d’Aménagement permettent d’esquisser une vision à plus long terme mais cela prend des lustres à rédiger.  

Il est essentiel à Bruxelles de sortir des droits acquis des développeurs. Les project lines et les réunions de projet sont loin d’être le retour de l’urbanisme clandestin, loin de là. Le bon aménagement des lieux (BAL) permet aux administrations et gouvernements d’aller au-delà des règles, ce qui n’est pas le cas partout. Mr Périlleux estime qu’il est légitime que les autorités poursuivent des objectifs qui dépassent parfois les cadres posés.  

La démocratie urbaine est sujette à énormément de discussions et demande plus de débats publics. Des débats de fond doivent être lancés sur certains sujets, par exemple, « on ne construit plus en intérieur d’ilot ». Que signifie précisément cette mesure qui est tombé en rien ?  

Avant de réfléchir au niveau réglementaire, une première chose serait d’avoir des lignes directrices qui ont fait l’objet d’un débat public. Cela permettra de cadrer les réformes nécessaires à plusieurs niveaux. 

 

Quel est encore la place des citoyens et des associations en bout de course ?

- Le BRAL

 

Réflexions du BRAL

Partir à la découverte de ce qui se cache derrière la « black box » a permis aux citoyens et aux experts d’échanger sur un pied d’égalité. Pourtant, il régnait très clairement une certaine lourdeur par moments. Les cadres réglementaires en vigueur n’inspirent plus confiance et la culture de la dérogation est encore fortement présente à Bruxelles. Les nombreuses grandes réformes lancées pendant la dernière législature n’ont pas toutes abouties et ne nous auraient pas spécialement protégé des dérives dénoncées depuis des décennies à Bruxelles.  

Au niveau de la transparence, nous estimons qu’un pas important est occupé à se faire à travers la formalisation de rencontres qui se déroulaient auparavent dans les coulisses. La tenue et la publication de PV est également une manière de réduire les fantasmes et les frustrations sur ces moments où le citoyen n’est pas convié.

Cependant, ces consultations officielles organisées à l'avance par le pouvoir public se succèdent. Les project lines, les concours et les réunions de projet sont des moments où des décisions sont prise loin de toute participation citoyenne. Quel est encore la place des citoyens et des associations en bout de course lors de la tenue de l’enquête publique et de la commission de concertation ? La réforme à venir du CoBAT doit se pencher sur cette question cruciale. Tout en préservant les mesures particulières de publicité traditionnelle en bout de course, entendre et tenir compte l’avis de la société civile fait partie du renforcement de la démocratie urbaine bruxelloise.