“GOOD MOVE” – Un beau catalogue d’intentions… et d’actions?

09/10/2018
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Petite mise au point d’abord : ce mot Good Move revient à tout moment. S’agit-il du plan, d’un concept à la mode, ou d’autre chose? Cher lecteur, notez-le une fois pour toutes : Good Move est le nom donné au processus qui aboutira à la création du futur Plan Régional de Mobilité (PRM), qui lui-même succèdera au célèbre Iris II, son prédécesseur qui est toujours en vigueur.

Good Move ou PRM ?

Petite mise au point d’abord : ce mot Good Move revient à tout moment. S’agit-il du plan, d’un concept à la mode, ou d’autre chose? Cher lecteur, notez-le une fois pour toutes : Good Move est le nom donné au processus qui aboutira à la création du futur Plan Régional de Mobilité (PRM), qui lui-même succèdera au célèbre Iris II, son prédécesseur qui est toujours en vigueur.

Venons-en maintenant au fait, un nouveau Plan Régional de Mobilité est donc en vue. Bonne nouvelle dira-t-on, puisque Iris 2 ne fut pas à la hauteur de ses ambitions (lisez à ce propos la réaction du BRAL en 2008). Surtout celle de réduire les déplacements automobiles de 20%. Si nous saluons l’enthousiasme d’une part respectable des stakeholders et des experts dans la salle, une question nous chiffonne encore : hors de la salle, les Bruxellois et leur gouvernance si singulière (voire trop plurielle!), emboîteront-il eux aussi le pas ? Rien n’est encore gagné. Du rêve à la réalité dure, complexe et sous influence d’une politique d’inertie... le pas suivant est encore grand... et grand aussi est le risque d’y trébucher!

... Et du rêve il y en a.

Les mesures proposées se partagent le grand mérite de renverser le paradigme du tout à la voiture. Bral se réjouit des principes “green”, “social”, “pleasant”, “healthy”, “performant”, “safe” et “efficient” qui structurent le plan et propulsent la vision d’une ville habitable à échelle humaine, où l’usage de la voiture fait plus de place à celui des transports publics, du vélo et de la marche à pied.

L’instauration du principe de « traffic calming » à l’intérieur des quartiers (à l’instar des “superblocks” barcelonais) où 85% des rues se voient catégoriser “locales” va dans ce sens, tout comme le choix explicite d’une ville de proximité et la proposition d’objectifs chiffrés de report modal selon la longueur des trajets. Citons encore l’ouverture et le financement de 10 « living labs » chaque année, qui sont des sortes d’expérimentations locales à échelle 1/1 de principes d’aménagements innovants, ou les « magistrales piétonnes » reliant les quartiers au centre par le mode de transport le plus universel. Tout ceci fait miroiter au Bruxellois un avenir des plus attrayants.

La charrue mais pas les boeufs

De belles mesures, oui, mais. Un catalogue, même rempli de mesures alléchantes ne fera à notre sens jamais un Plan opérationnel, tant qu’il lui manque la manière de les articuler entre elles. Ainsi le « traffic calming » dans les quartiers ne pourra advenir sans une réglementation du partage modal (fietsstraten, zones de rencontre 10km/h, axes réservés aux transports publics, continuités cyclo-piétonnes, rues sans voitures privées...) et une politique décisive de restriction des parkings.

Paquet de mesures qui elles-mêmes ne peuvent s’envisager sérieusement sans arbitrer en principe régional la réduction de l’accès automobile par un système de taxation -ou plus prosaïquement par un péage zonal que nous prônons - et une fiscalité que nous appelons vertueuse car à l’encontre des transports motorisés.

Enfin, le BRAL déplore la faible articulation métropolitaine du plan. Présente dans diverses mesures, elle ne transparaît pas assez dans la vision d’ensemble. C’est pourtant à cette échelle que la problématique mobilité pourra s’appréhender.

Participation cha cha...

Oui bon. Avec son recours “innovant” à un “panel de citoyens” tirés au sort, en sus de l’implication des stakeholders et experts par le biais de la Commission Régionale de la Mobilité présentée comme “comité de suivi”, la participation est une des fiertés explicites du processus Good Move. BRAL y a assisté, et peut témoigner: ce n’est pas pour questionner entre experts les fondements du plan mais plutôt pour supporter les principes présentés sur demande des auteurs du plan que ces concertations ont eu lieu.

Good Move a manqué l’occasion de prendre en compte des voix citoyennes pourtant demandeuses.

« Je suis allée jusqu’à mettre un pied dans la porte de la consultation “Good Move Forum” du 20 avril 2017. On m’a dit qu’elle n’était pas destinée aux organisations citoyennes.Tenace, je suis quand même restée et j’ai constaté une conceptualisation technocratique très avancée de ce Good Move.  J’ai insisté à plusieurs reprises qu’il fallait vraiment consulter et partir du vécu des véritables experts, les citoyens dans les quartiers.  Depuis, le Gaq n’a plus du tout été invité à une consultation ni concertation » regrette Barbara Bentein du GAQ, un comité du quartier européen.

Vers le citoyen et l’acteur local donc, on évite la confrontation ou les sujets qui fâchent comme les choix liés au traffic-calming ou à la hiérarchisation des voiries qui sont au coeur du plan. Le processus ne semble pas du tout avoir atteint l’échelle des quartiers, notamment les plus stratégiques – citons aussi ceux concernés par le viaduc E411, la chaussée de Ninove ou encore Charles Quint. Leurs habitants n’ont été ni impliqués ni rencontrés. Participation, bonjour !

Le BRAL se demande : la mobilité est-elle à ce point clivante qu’on ne veut plus la mettre en débat ? L’allure technocratique de ce plan dénote une consultation plus conceptuelle que démocratique qui au final n’aidera pas les Bruxellois à s’approprier le plan et tout son paradigme innovant. Dommage.

Le processus Good Move prétend néanmoins pratiquer une “co-construction”. Mais le BRAL s’inquiète d’un processus qui a parcouru les communes séparément les unes des autres et des institutions régionales. Alors qu’une chose est sûre, c’est que c’est en mélangeant bien les ingrédients -entendez les acteurs publics- que l’on réussira la lasagne politique bruxelloise!

L’ancien et le nouveau

Un autre acteur, non des moindres, nous a semblé fort discret : le Gouvernement actuel. Absent de la présentation mais incontournable pour valider le plan en première puis deuxième lecture. Un trajet qui sera parcouru... à cheval sur deux mandats et donc au travers d’une période électorale critique. Le politique aura-t-il la maturité d'évaluer le plan non en vertu de qui le porte mais des valeurs concrètes qu’il recèle? Dit autrement : sera-t-il considéré comme le plan régional, ou comme le plan Smet ? Sera-t-il torpillé lors des affrontements politiques de campagne? Et dans le compromis du programme de gouvernement 2019-25, ne risque-t-il pas l’oubli dans un placard du Coudenberg s’il ne reflète pas la volonté des prochains maîtres de la Région?

C’est ici, à nouveau, qu’associer communes et représentants locaux contribuerait à faciliter la mise à flot du plan dès le début du prochain mandat régional. D’où l’importance de laisser de côté le très communiquant branding “Good Move” pour défendre ce plan de mobilité comme ce qu’il est, c’est à dire le projet de l’administration salué par les experts et la plupart des stakeholders pour sa vision.

Quelle autorité pour le futur Plan?

Défendre l’intérêt du plus faible -entendez ici l’usager faible- ne se fait pas sans règles, et nous attendons que le volet réglementaire, encore fort flou à ce jour, soit digne de son plan. Et d’autant plus au vu du morcellement bien bruxellois des acteurs et outils de décision.

Un peu de sérieux: si un Plan Régional de Mobilité peut faire avancer la ville, il s’agit de ne plus abandonner le sort des itinéraires cyclables, sites propres bus-taxi, ou autres projets de tram aux piètres arbitrages de certaines contre-politiques locales.

Tirer les leçons du passé

Un nouveau PRM, oui, mais pas sans une évaluation sérieuse du précédent ! Le bon sens inciterait à souligner en rouge les blocages du passé pour guider le choix des nouveaux outils, pour une continuité responsable, et sans bling bling.

“Le projet de plan a certes gagné en vision en détrônant la voiture dans la plupart des mesures proposées, mais il a aussi perdu de ses objectifs. Avec les -20% de trafic motorisé à Bruxelles, qui passent aux oubliettes” - l'équipe du Bral

Le BRAL ne veut pas accepter que l’on rabote les ambitions phares d’Iris 2; des objectifs manqués qui conditionnent pourtant tous les plans environnementaux (COBRACE, objectifs Air et Climat) et au final, la qualité de vie que notre ville doit offrir.

Faut-il le dire ? Au vu de ces objectifs c’est tout simplement démissionnaire.

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