2. PLAN B
2.1 Pour un nouvel écosystème urbain:
du vert sur le vert
LA BIODIVERSITE CONNECTEE
Aujourd’hui, nous risquons de perdre un million d’espèces (1). La perte de la biodiversité globale nous impacte tous et doit nous convaincre d’agir maintenant. Un des premiers enjeux: protéger la nature existante et redonner de l’espace à celle-ci. Sur la Friche, ce processus est en cours depuis vingt ans. C’est d’ailleurs devenu un site unique par sa localisation par rapport à la migration de plusieurs espèces d’oiseaux.
La Friche Josaphat est une formidable opportunité à saisir pour renforcer un espace naturel et la biodiversité en ville. Ce site possède déjà une valeur biologique extrêmement riche. Il est en outre connecté à un parc public, ce qui renforce encore son impact.
De plus, le site se situe au coeur d’un maillage vert qui traverse le nord de la région : la Friche Josaphat pourrait combler un chaînon manquant du réseau écologique bruxellois, et constituer un des maillages verts qui mènent jusqu’au centre ville.
Dans ce cadre, nous, citoyennes et citoyens, associations et collectifs environnementaux et urbains, constatons que la partie Ouest de la friche - vu son rôle unique pour la biodiversité - ne peut pas devenir un quartier de plus à urbaniser. Le développement durable suppose de réserver à la nature en ville une place réelle, dans une zone verte digne de ce nom, pour accueillir le Vivant, humain.e.s compris ...!
Rien n’est éternel, pas même l’état de la friche si elle reste sauvage. A terme, les arbres prendront le dessus, ce qui rendra le paysage moins diversifié, avec un impact sur la diversité de la vie qui s’y installe. Il faut garder la friche ouverte. Des solutions d’éco-pâturage extensif, comme faire paître des moutons, des chèvres, des chevaux (sauvages) ou des vaches Galloway, est un moyen simple de garder le paysage ouvert et diversifié.
Une large réflexion doit être menée avec l’ensemble des acteurs, sur les zones accessibles au public, les zones de transition et les zones réservées à la biodiversité.
Le maintien de zones humides de qualité permet également à la biodiversité spécifique à ces milieux de se développer (les libellules, notamment, dont la zone est si riche). Ces zones humides jouent aussi un rôle important pour la résilience climatique.
RESILIENCE AU CLIMET
Le futur climatique nous fait craindre la répétition d’épisodes météorologiques extrêmes (canicules, inondations, etc.). Il est possible de s’y préparer en commençant maintenant. On peut limiter les conséquences de la chaleur ou des inondations en renonçant à imperméabiliser des terrains qui ne le sont pas encore. On ne peut pas toujours compter sur le terrain d’à côté pour créer un îlot de fraîcheur ou absorber l’eau excédentaire. Il faut garder des espaces de pleine terre et des zones humides pour stocker l’eau des précipitations, accroître la résilience en cas de sécheresse, et contrer les îlots de chaleur urbains.
La continuité biologique est toute aussi pertinente en contexte urbain. Le changement climatique fait migrer des espèces vers le nord, déplacements qui s’ajoutent aux migrations annuelles. La ville ne peut pas représenter un obstacle infranchissable pour ces espèces animales. Conserver la friche ouverte offre une solution.
VILLE VS CAMPAGNE ?
Une vision dichotomique de l’aménagement du territoire voudrait que “la nature ait sa place à la campagne”. Malheureusement (ou heureusement pour la qualité de vie des Bruxellois·e·s), cette vision repose sur l’idée fausse que la biodiversité se porte bien hors des villes, et peut donc être sacrifiée en ville. Cette vision dépassée cherche à faire croire qu’un promoteur contrarié en milieu urbain ira construire en milieu rural, et, inversement, qu’un promoteur
satisfait en ville s’abstiendra de construire ailleurs... C’est une utopie. Il n’y a aucun vase communicant entre les chantiers à la ville ou à la campagne. C’est aussi une injustice sociale pour les citadins qui ne peuvent pas déménager et qui ont donc besoin de nature près de chez eux. Il ne s’agit pas ici d’opposer l’homme et la nature, chacun dans son propre espace, mais bien de concilier les deux.
La proximité de la nature (significative !) contribue à la qualité du logement par la qualité de la vie. Et cette qualité de vie garantit à son tour que les gens restent en ville !
Il revient à la politique de lutter à la fois contre l’étalement urbain à la campagne et contre la densification aveugle dans les villes. La nature a toute sa place en ville.
2.2 LA VILLE SUR LA VILLE
PRENONS DE LA HAUTEUR
L’aménagement du territoire est une discipline complexe qui nécessite d’arbitrer entre les différentes utilisations possibles du sol. Il est dès lors tentant d’essayer de combiner les fonctions tant que faire se peut. Si l’idée est bonne, elle a cependant ses limites si on court après plusieurs lièvres à la fois.
Dans le cas de la Friche, il est possible d’exploiter la partie Est de la Friche ainsi que la zone industrielle (actuellement sous-utilisée) dans le but notamment d’aménager de nouveaux logements. Cette alternative ne permet pas d’atteindre le nombre de logements souhaité par le PAD, mais cela doit être mis en perspective au niveau régional et local.
Même si la biodiversité est au coeur de notre réflexion, il y a quand même un potentiel de développement de logements et de l’industrie urbaine. Néanmoins, vouloir tout résoudre et concilier sur une surface aussi limitée est une illusion.
Même si nous souhaitons construire la ville sur la ville, l’activité déjà présente sur le site doit aussi être prise en compte. La proposition de ce PlanB s’inscrit dans une transition progressive. Il doit s’agir d’une densification qualitative. En bref, un gros travail pour un planificateur créatif !
A L’ECHELLE RÉGIONALE
Ce nouvel outil qu’est le PAD (Plan d’Aménagement Directeur) est en cours de déploiement sur l’ensemble des zones de développement prioritaires de Bruxelles. L’examen simultané de ces plans permet de se rendre compte que c’est l’avenir de Bruxelles qui se planifie en ce moment-même. Une démarche d’une telle envergure appelle forcément à la prudence, en gardant à l’esprit que chaque zone concernée est plus adaptée à certaines fonctions qui doivent être pensées à l’échelle régionale (2).
Concernant le logement, il existe un énorme potentiel inexploité en lieu et place des surfaces de bureaux: au 1er février 2019, le stock bruxellois de bureaux vacants s’élevait à 954 870 m².(3) Et les bureaux vides se multiplient.
Même si convertir des bureaux vides ne répondra pas à l’entièreté des besoins de logement, une reconversion de ce bâti existant doit être pensée dès maintenant.
Par ailleurs, les projections modernes de l’évolution démographique ont revu à la baisse les estimations d’il y a 10 ans. La croissance démographique de Bruxelles est plus lente que prévu (4). En 2010, le parc de logements a dû être augmenté rapidement car les chiffres semblaient montrer que la ville allait exploser. Ces prévisions ont maintenant été révisées. Aujourd’hui, il y a un besoin de logements abordables plutôt que de logements au prix du marché (5).
Ces éléments penchent en faveur d’une remise en question du plan actuel, pour revenir à un projet mieux proportionné et plus adapté sur la Friche avec une vraie vision en termes de logement public et de l’avenir de l’industrie urbaine.
AU NIVEAU LOCAL
Toutes les opportunités ne se trouvent pas dans le périmètre des grandes zones de développement prioritaires. Un examen pointu des environs immédiats doit être réalisé. Par exemple, le collectif Léopold III, composé de riverains, propose, à juste titre, de se concentrer sur une bien meilleure utilisation du potentiel de l’avenue Léopold III et des installations en transport public déjà présentes. Bien que ces opportunités doivent être vérifiées et dépendent fort de logiques foncières qui échappent en partie aux autorités régionales, elles montrent à tout le moins le besoin d’une étude approfondie des alentours avant de se précipiter sur un réservoir à biodiversité comme espace à bâtir. Selon les calculs, cela pourrait conduire à la création de pas moins de 1552 foyers. C’est presque autant que ce qui était prévu dans le PAD.
Pour en savoir plus sur cette proposition et l’analyse qui l’accompagne, consultez le dernier chapitre de ce manifeste.
ZOOM IN: POUR UNE UTILISATION INTELLIGENTE DE L'ESPACE
Plus précisément, la zone industrielle actuelle est largement imperméabilisée. Ce sont ces espaces qu’il faut mieux utiliser. . C’est aussi par une meilleure utilisation des espaces déjà imperméabilisés qu’un meilleur usage de l’espace pourra être fait (6)
À PROPOS DES ACTIVITÉS DE PRODUCTION
La ville a besoin d’activités de production et ce type d’activités a certainement un avenir sur le site. La situation centrale du site est un avantage pour les entreprises qui sont liées au tissu urbain dense proche. Ces entreprises peuvent également avoir une fonction de soutien dans un réseau plus large de personnes et d’entreprises. Au sein des “pôles” industriels, il y a moyen de mieux utiliser l’espace en intégrant par exemple une réflexion sur les zones tampon et zones
de recul de l’espace industriel actuel.
Par ailleurs, nous devons également nous demander si toutes les entreprises présentes ont réellement besoin de ce lieu spécifique et de cet emplacement en ville. S’il s’avère que le lieu ne joue pas de rôle en soi, un déménagement peut être envisagé par exemple dans le parc d’affaires Da Vinci de Bordet.
Dans un monde idéal, les différentes entreprises travaillent ensemble. Par exemple, les déchets d’une entreprise pourraient servir de matière première à une autre, devenant ainsi les maillons logiques d’économie circulaire et le tout s’inscrivant dans le Plan régional d’économie circulaire (PREC).(7)
Compte tenu de la vacance actuelle, un espace temporaire peut également être mis à disposition pour expérimenter des usages participatifs mêlant économie circulaire et besoins locaux. Nous plaidons pour un urbanisme transitoire.
Un travail d’étude détaillé est nécessaire (et nous ne sommes pas un bureau d’études). Dans l’éventualité où ce travail a déjà eu lieu, nous vous invitons à le partager avec tous de sorte à continuer le travail de co-construction …
A PROPOS DE MIXITÉ
Une analyse plus fine du tissu industriel déjà présent est nécessaire. Nous ne voulons pas pour autant mettre en péril l’emploi, ni l’importance de la fonction industrielle dans la ville mais nous souhaitons une utilisation plus intelligente de l’espace (8).
La mixité fonctionnelle est depuis longtemps considérée comme la solution pour l’utilisation optimale d’un espace restreint. Dans le contexte bruxellois, on tente depuis plusieurs années de mélanger les activités de production et le logement en construisant des logements dans les parties supérieures des bâtiments. C’est loin d’être une réussite jusqu’à présent. En effet, les entreprises, émettrices de bruit et autres dérangements inévitables, finissent souvent par disparaître, et la mixité des fonctions avec elles...
Un espace industriel devra être préservé sur la zone, combiné avec d’autres installations moins impactantes, telles une ferme urbaine ou des installations sportives. Les fonctions industrielles sont souvent plus conciliables avec la nature sauvage que le logement.
Même si ce n’est pas la voie la plus simple, le #planB soutient aussi la voie de la mixité “horizontale” - logement audessus des activités productives- comme solution partielle pour densifier la zone industrielle actuelle.
Au même titre qu’une zone réservée principalement à l’industrie, une zone principalement consacrée au logement est aussi possible.
A PROPOS DU LOGEMENT
Étant donné que des recherches supplémentaires sont encore nécessaires sur l’avenir des activités de production et leur combinaison potentielle avec le logement, il est difficile de chiffrer le nombre de logements à construire sur le périmètre limité que nous souhaitons développer dans la zone du PAD.
Cependant, l’analyse du groupe de riverains Léopold III montre que 1339 logements sont possibles … sans faire disparaître la Friche et avec une empreinte minimale. Bien que cette analyse n’envisage pas une place distincte centrée sur l’industrie, elle montre ce qui est possible avec une utilisation créative de l’espace.
Le problème du logement à Bruxelles est surtout lié au manque de terrains publics. Avec les associations qui défendent le droit au logement à Bruxelles, nous souhaitons que ce terrain reste public, et que 60% des logements construits soient des logements sociaux.
Urbaniser ne peut se faire “comme d’habitude”, selon un modèle qui contribue à accentuer la crise socio-environnementale et soutient la construction de logements et bâtiments chers, sans lien avec les besoins réels. Les logements neufs à Bruxelles doivent être abordables, solidaires, circulaires et à emprise au sol réduite.
(1) Rapport planète vivant WWF: https://wwf.be/fr/campagnes/rapport-planete-vivante-2020/
(2) https://wwf.be/nl/campagnes/living-planet-report-2020/
(3) In theorie kan het aantal woningen gepland in alle PAD’s samen oplopen tot 20.000.(http://weblex.brussels/data/crb/biq/2019-20/00023/images.pdf#page=4 p.15)
(4) https://perspective.brussels/sites/default/files/documents/perspective_b... p. 75
(5) https://www.plan.be/uploaded/documents/201901240958450.FOR_POP1870_11813... Januari 2019, p. 12. Het Federaal Planbureau heeft zijn prognoses aangepast: van een verwachte jaarlijkse groei van 10.000 mensen verwacht ze sinds 2019 een groei van 3.600 mensen per jaar.
(6)https://www.ieb.be/Pour-le-logement-social-40820
(7) https://perspective.brussels/sites/default/files/documents/obsactprod_2.pdf
(8) Gewestelijk programma voor Circulaire Economie: https://www.circulareconomy.brussels/over/het-gpce/?lang=nl