Matongé, ses ressources et sa reconnaissance culturelle

18/04/2018
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Plein d’émotions à Kuumba le soir du mardi 13 mars 2018 ! Un repas convivial, organisé par le BRAL, est soudainement perturbé par deux saboteurs !

Des trouble-fêtes s'invitent au repas !

Plein d’émotions à Kuumba le soir du mardi 13 mars 2018 ! Un repas convivial, organisé par le BRAL, est soudainement perturbé par deux saboteurs !

Ces « trouble-fêtes » s’infiltrent dans la soirée, empêchent l’animateur de faire son travail et critiquent le projet Connecteurs : « Est-ce qu’il y a de l’argent ? » « Qu’est-ce que c’est que ce questionnaire ? » « Ce sont des Blancs qui l’ont fait ? » « Et c’est quoi, ce cadeau sur la table ? ».

Une fois la curiosité attisée, les « trouble-fêtes » sortent des panneaux qui disent : « Co-créons l’avenir de Matongé, connectons-nous ». Et l’un des saboteurs-acteurs explique : « Ce petit théâtre, juste pour vous rappeler que ce projet appartient à nous tous. » Les tabous et la glace étant ainsi brisés, une soirée fructueuse a pu avoir lieu.

Un temps de réflexion est introduit par une mise en scène préparée par un travailleur du BRAL et deux connecteurs (tous deux comédiens). Une mise en scène qui avait pour but de faire ressortir les critiques éventuelles du projet Connecteurs et de mettre en avant l’envie de réaliser ce projet ensemble (et non pas des chercheurs qui observent, des travailleurs qui animent et des participants qui écoutent).

Près de 40 personnes ont participé à ce moment de rencontre et d’échange autour du quartier Matongé, ses ressources et sa reconnaissance culturelle à Kuumba. Le projet « Connecteurs » vise à mettre en avant les ressources et les atouts (compétences, savoir-faire, passions, …) de Matongé, des personnes qui habitent ou fréquentent le quartier, afin de soutenir des initiatives citoyennes collectives.

Le projet « Connecteurs » est né, entre autres, du déni de reconnaissance culturelle de la communauté subsaharienne de Matongé (frustrations et souffrances identitaires, discriminations quant à l’emploi, le logement et l’accès à la culture...). Le projet est une recherche-action participative qui vise l’émergence d’initiatives citoyennes, sur base d’un partage des savoirs entre citoyens, associations et chercheurs.

Repas des connecteurs

La rencontre s’est déroulée en deux temps : d’abord un moment convivial, avec le “repas des connecteurs”. C’est autour de la grande table, avec une soupe africaine aux carottes épicée à la main, que les participants se retrouvent.   

Les nouveaux arrivants se présentent et, curieux d’en apprendre davantage, posent des questions sur les objectifs du projet et son déroulement jusqu’à ce jour. Certains découvrent l’installation qui collecte les atouts et la complètent. D’autres discutent de leurs projets en cours, comme par exemple l’envie de lancer une radio temporaire à Matongé ou l’avancement du collectif coopératif de commerçants. Ces derniers souhaitent créer un statut juridique et fixent la date d’une prochaine réunion.

« L’installation des atouts » est une structure légère, facile à monter/démonter dans l’idée de pouvoir les atouts et les rêves du quartier. On peut y afficher des photos et les cartes « des atouts » complétées par les personnes rencontrées, un petit baffle y est installé et diffuse les interviews audio réalisées. 

La deuxième partie de la soirée est dédiée à un temps de réflexion. Les participants sont enthousiastes à l'idée de pouvoir nouer des contacts ou d'établir une coopération saine avec le pouvoir communal (les usagers du quartier– les commerçants – les habitants). Ils sont également motivés à participer à une réflexion partagée, un état des lieux collectif autour du quartier Matongé, ses ressources et sa reconnaissance culturelle (discriminations, dénis de reconnaissance culturel ou autres).

Différentes tâches ont été attribuées aux participants pour assurer le bon fonctionnement de la réunion : distribution de la parole, gardien du temps, photographe, prise de notes au tableau, compte-rendu écrit...

Quel avenir pour Matongé ? Y-a-t-il déjà un cadre institutionnel qui prend en compte ses atouts/ressources ? Qu’est-ce qui (a) fait que Matongé est Matongé ? Quelles sont ses ressources ? Et ses limites ? Comment pourrait-on soutenir des initiatives citoyennes sur base des ressources du quartier ?

Ces questions sont proposées par les travailleurs du BRAL et la chercheuse Chloé Mercenier de l’ULB. Elles souhaitent enclencher la discussion sur l’identité, l’originalité et le futur du quartier. Ici, l’idée est simplement de donner des pistes de réflexion pour que les participants puissent en proposer d’autres.

  Tout le monde est d’accord : par ses couleurs pétillantes, ses odeurs et ses goûts exotiques, Matongé est un quartier où l’expression « vivre ensemble » n’est pas qu’une idée. Cette devise est renforcée par la diversité des personnes (Belges, Français, Congolais, Camerounais, Guinéens, Togolais, Pakistanais, ...) et des cultures présentes. Le quartier est fortement fréquenté, convivial et dynamique ; il s’intègre bien dans le tissu urbain bruxellois. Matongé est un quartier convoité, en pleine mutation et en cours de rénovation. 

Les pieds sur place et la tête en Afrique

La question des ‘limites du quartier’ n’a pas été très approfondie cette fois-ci. Le terme « limites de Matongé » est interprété de différentes manières et prête à confusion. Dans ce cas-ci, la question porte sur les freins ou blocages de Matongé : avoir « les pieds sur place (en Belgique) et la tête en Afrique ». Cette expression, empruntée à un participant de la soirée, illustre bien le fait que certaines personnes avec une histoire d’immigration aiment garder le cordon ombilical avec leurs pays d’origine, tout en essayant de s’intégrer dans le nouveau pays.

Tout le monde s’accorde sur le fait que les frontières de Matongé sont subjectives et difficile à définir avec exactitude.

La reconnaissance culturelle 

C’est surtout cette question-ci qui attire l’attention : Y-a-t-il déjà un cadre institutionnel qui prend en compte ses atouts/ressources ?

« Non ! »…  Il n’y a pas de dialogue franc avec les institutions… il faut que nous soyons entendus ! »… « Le pouvoir public exige le même résultat de bénévoles que de ceux qui sont payés et ce n’est pas normal ! »…

Catégoriques, les participants ont souligné ce manque de soutien de la part des institutions à Matongé. « L’animation est là, mais le problème est le manque de moyen et le manque de soutien de l’institutionnel depuis 20-30 ans » …. Un grand nombre d’associations actives à Matongé manquent de soutien de la part des institutions et ne sont pas souvent reconnus dans leurs expertises, par exemple les asbl Interface Culture, Bawasa asbl, Bibliothèque Lumumba…

« Matongé restera Matongé ! Ceux qui veulent le faire disparaître auront un gros morceau ! » L’inauguration de la nouvelle galerie « Matongé », promise par les autorités communales tarde à venir. Ainsi, changement de nom de la « Galerie d’Ixelles » vers « Galerie Matongé », ne toujours pas effective, jusqu’à ce jour. Un participant a soulevé le cas du non-entretien des galeries commerçantes. Quelqu’un dans la salle attire l’attention des participants sur le fait que la commune semblait vouloir relier l’Avenue Louise avec le Quartier Européen. Matongé se retrouve entre les deux. Les habitants et les commerçants seraient donc poussés dehors. D’où la polémique autour du changement de nom du quartier l’année passée vers « Quartier des Continents » …

En fin de soirée, un vote à main levée permet de jauger la volonté de poursuivre les discussions. Pour les mois à venir, l’enjeu est de continuer cette dynamique de co-production des savoirs. Cela pourrait se faire à travers différentes formes de co-création comme, par exemple, la rédaction d’un article sur le quartier, des interviews audio ou vidéo montrant l’avancement du projet ou les réflexions, le tout diffusé via une radio temporaire. Affaire à suivre !

 Le projet « Connecteurs », tente d’expérimenter une nouvelle forme de développement urbain, basée sur les capacités citoyennes, l’émergence et le renforcement d’initiatives locales, leur mise en réseau et leur articulation avec d’autres échelles et acteurs. Cette approche vise à renforcer les solidarités horizontales et à impulser ou solidifier des communautés urbaines dans leur capacité à construire leur bien-être et des solutions pour les défis auxquels elles sont confrontées. Le projet veut donc favoriser le renforcement et/ou l’émergence d’initiatives citoyennes (économiques, sociales, écologiques ou autres), tendant à l’autogestion. Le projet vise donc à valoriser les atouts du quartier et de ses habitants ou de ses usagers, d’une part, en allant à leur rencontre pour créer des liens utiles, et, d’autre part, en cartographiant les capacités et les compétences existantes (cartographier les ressources, les capacités des habitants, leurs rêves et envies). Il a pour objectif de renforcer la cohésion sociale tout en facilitant une meilleure compréhension et une appropriation citoyenne de l’espace public et des enjeux urbains. Le projet « Connecteurs » fait partie du projet Citizendev  et du projet Connecteurs Athenée, faisant partie du Contrat de Quartier Durable Athenée, en collaboration avec Habitat et Rénovation. Cette partie est menée par l’asbl BRAL et la Faculté d’Architecture de l’ULB et soutenu par Innoviris. En savoir plus ? Contactez Kinch (kinch@bral.brussels) ou Piet (piet@bral.brussels).

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