Du rêve à la réalité - 2) Participation

11/08/2021
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Les habitants et habitantes font la ville. Ce principe aussi simple que radical constitue le fil rouge de notre vision de Bruxelles. Chaque jour, une multitude de citoyens et citoyennes, de groupes d’action et de comités de quartier s’investissent en faveur d’une ville vivable. Elles et ils mènent des actions, rédigent des réponses aux enquêtes publiques, mettent sur pied de nouvelles initiatives, organisent des fêtes de quartier, aménagent des rues à vivre et des rues scolaires, font pression sur les pouvoirs publics, etc. En résumé, des habitants et des habitantes joignent leurs forces de plusieurs manières dans le but de faire entendre leur voix et d’apporter leur contribution à leur cadre de vie. Une ville se nourrit de cette dynamique, c’est l’essence même d’une démocratie urbaine. Cette mine d’idées et d’actions a alimenté le débat public sur la ville et devrait aussi inspirer les pouvoirs publics beaucoup plus que ce n’est le cas actuellement. Bruxelles est donc une ville d’une grande richesse. Nous voulons dire par là qu’elle regorge d’initiatives citoyennes !

Le BRAL ambitionne d’ouvrir les processus décisionnels à ses habitants et habitantes. Nous voulons démonter le mythe des choix techniques soi-disant rationnels. Le concept TINA, « there is no alternative », n’est qu’un rideau de fumée. Il obstrue souvent la vue sur l’éventail des solutions possibles en cas de problème. Les gouvernements, les collèges des échevins et échevines, les experts professionnels et les personnes qui exercent le pouvoir au sein du monde de l’entreprise veulent à toute force nous faire croire que leur solution est l’unique issue raisonnable, comme si une sorte de loi naturelle était en jeu. Alors que tout un processus politique précède leur choix. C’est la raison pour laquelle nous privilégions TAMARA : « there are many alternatives ready and available. » D’autres rapports de force engendrent d’autres choix. Une démocratie saine fait toute la transparence sur ces processus (décisionnels) politiques et permet à un maximum de personnes d’y participer. En toutes circonstances. Lors des études concernant les problèmes, de la réalisation des plans, de leur mise en œuvre, etc.

Une démocratie participative de ce type suppose naturellement que les pouvoirs publics jouent un autre rôle. Ils doivent encourager la participation et ne pas se cramponner aux commandes. Ils doivent laisser et offrir une certaine latitude. Ils doivent faire preuve de l’ouverture nécessaire pour les idées qui émanent de la base, sans sombrer dans le populisme. Mais notre but n’est pas pour autant de déshabiller les autorités, comme un roi nu, une machine administrative sans vision. Au contraire, nous pensons qu’il y a un avenir pour une administration urbaine qui ose mettre en avant une stratégie durable dans une concertation ouverte avec ses citoyennes et citoyens. Ce qui compte, c’est de mettre les bonnes idées au centre du débat et de viser le long terme.

APPUI ET INVESTISSEMENT POUR LES INITIATIVES BOTTOM UP

Les pouvoirs publics ont choisi de faciliter l’entrepreneuriat sur le libre marché, dans l’idée qu’il crée de la prospérité par des moyens qui ne sont pas à sa portée, ils peuvent donc tout aussi bien faire appel à l’esprit d’entreprise et à la créativité de la société civile et des collectifs citoyens pour rénover les quartiers. Les initiatives qui viennent de la base peuvent faire émerger des idées créatives et une assise politique qui nourrissent le processus de planification et l’aident à évoluer.

Les pouvoirs publics ne doivent pas craindre le rôle politisant qui découle de la mobilisation citoyenne, mais au contraire s’en servir pour parvenir à une entente. Ces groupes fournissent une contribution constructive aux processus politiques. Ils pointent les contradictions, favorisent l’activation citoyenne et collectent des points de vue qui conduisent à de meilleures mesures politiques.

Par ailleurs, une ville doit oser tenter des expériences. Il s’avère souvent judicieux de favoriser des interventions temporaires et de leur donner un statut de test dans les projets qui concernent l’espace public alors que le processus de planification est toujours en cours. Ces interventions permettent en effet de constater dans la pratique et sans délai l’impact d’une idée avant que le plan reçoive sa forme définitive. Une vaste participation s’impose également dans l’évaluation du test, notamment le choix préalable de ses critères.

Sans compter que tout ne doit pas non plus être programmé. Dans une ville, il faut oser laisser les choses se faire d’elles-mêmes. Nous voulons dire par là qu’il faut planifier la non-planification ! L’administration ne doit pas vouloir toujours tout contrôler. Elle peut par contre jouer un rôle prépondérant dans l’organisation du débat public sur la ville et le soutien des initiatives citoyennes.

RENFORCEMENT ET MEILLEURE INTegration des administrations

Une participation forte exige des administrations fortes, c’est-à-dire des services, des départements et des agences qui comptent du personnel en suffisance et qui reçoivent l’aide requise pour gérer la complexité de la participation citoyenne. Une ville qui investit dans la durabilité et la participation doit aussi investir dans ses fonctionnaires afin de contribuer à la concrétisation de cette vision.

Dans le domaine des appels à projets, les pouvoirs publics bruxellois ont heureusement déjà montré qu’ils veulent tirer parti de la valeur ajoutée de l’action citoyenne. Par contre, nous observons que de nombreuses administrations ont chacune leur propre appel à projets pour soutenir les initiatives qui émanent de la base. En fait, nous assistons à une véritable prolifération de ces appels, au point qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Les habitants et les habitantes doivent les suivre au jour le jour pour s’en servir efficacement et présenter leurs idées dans le cadre de l’appel qui convient. Il nous semble donc nécessaire d’intensifier la collaboration entre les administrations pour tout ce qui touche à ces appels à projets.

Nous constatons par ailleurs que ces appels à projets ont souvent peu de liens avec les projets existants. Ils offrent une petite aire de jeu dans laquelle la population peut aller son chemin avec une certaine liberté mais il est rare que des enseignements en soient tirés au profit de grands projets publics qui sont menés en parallèle. Ce phénomène s’observe non seulement au niveau de la politique relative à l’espace public mais aussi au niveau des budgets participatifs, des contrats de quartier ou de l’occupation temporaire de certains bâtiments. Il n’est pas rare que les cadres de ces projets témoignent d’un décalage entre le monde réel et le monde politique. Une collaboration avec la société civile professionnelle permet de travailler de manière intégrée en tenant compte des objectifs dans leur ensemble.

LES COMMUNS URBAINS

À l’instar de nombreuses autres villes, Bruxelles possède une multitude de « communs » : il s’agit de collectifs citoyens qui souhaitent mettre sur pied ou gérer de manière participative et démocratique un bien public spécifique. Ces collectifs créent un espace autonome dans la ville qui n’est pas entre les mains des pouvoirs publics ou du marché axé sur le profit. Ces initiatives visent l’autogestion par des citoyennes et des citoyens, parfois en collaboration avec l’administration, mais pas toujours. Les autorités commencent petit à petit à prendre conscience que ce type de communs urbains donne un nouvel élan à la ville.

Voici quelques exemples parmi d’autres : il y a notamment le Community Land Trust à Bruxelles qui souhaite réaliser des logements abordables sur des terrains en propriété collective mais aussi impliquer étroitement les habitants et les habitantes ainsi que les organisations dans leur gestion. Les communs peuvent donc jouer un rôle innovant dans le développement urbain et la planification spatiale de la ville. Les autorités bruxelloises ont dès lors tout intérêt à mettre en place un cadre politique destiné à reconnaître ces initiatives et à leur permettre de fonctionner efficacement. Un centre d’expertise urbain peut devenir un instrument utile dans ce contexte : il permet à une ville de comprendre l’activité des communs, de connaître ceux qui sont actifs en son sein et d’identifier leur contribution à une ville durable et vivable.

SCIENCE PARTICIPATIVE ET COCREATION

La science participative implique les citoyennes et les citoyens dans le débat public : ce sont eux et elles en effet qui effectuent les mesures et qui génèrent les données tout en découvrant précisément de quoi il retourne. Elle stimule leur curiosité. Elles et ils en viennent à comprendre ses implications dans leur vie au quotidien mais se font aussi les ambassadeurs et ambassadrices des connaissances et sensibilisent leur voisinage, leur cercle de connaissances et leur famille : « vous savez quoi ? » Dans le même temps, la science participative soulève d’innombrables questions sur les processus décisionnels politiques et le pouvoir de la science. Sommes-nous en mesure de briser cette coalition entre science et politique ? La population se verra-t-elle attribuer un rôle dans la commande et la communication de ce savoir ? Le monde politique va-t-il reconnaître ce rôle ou le combattre ? La science est-elle prête à mettre ses connaissances à la disposition du public et à le laisser définir en partie son ordre du jour ? Cette démarche va-t-elle enrichir le débat public et aider les citoyens et les citoyennes à infléchir la politique ?

 

La science participative peut potentiellement devenir un véritable processus de cocréation, d’échange entre la population, les scientifiques, les administrations et les politiciennes et politiciens qui établissent ensemble une politique publique collective et bien informée. Le BRAL a démontré le pouvoir mobilisateur de cette science dans le cadre de la qualité de l’air. Les participantes et les participants effectuent personnellement les mesures, ce qui leur permet de mieux saisir le problème. Ils et elles comprennent leurs résultats et peuvent situer ceux des autres. Elles et ils veulent faire circuler les connaissances acquises et en informer leur famille, leurs connaissances, leur voisinage. C’est alors que naît la citoyenneté. Cette démarche montre que la science participative peut jeter les fondations d’une gouvernance collective et durable des problèmes environnementaux importants en milieu urbain.

Ce type de science est discutable aux yeux de certaines et certains, tandis que d’autres y voient une occasion de collaborer. L’intérêt d’acquérir des connaissances sur la base d’observations est conditionné par de nombreux facteurs : le contexte politique, les besoins des services publics, le degré d’urgence, etc. Grâce à la population, les observations sur le terrain sont généralement mieux réparties, ce qui améliore leur qualité. C’est souvent à la fin d’un projet pilote, qui fournit des résultats étonnamment riches en apprentissages, que l’État réalise à quel point la production collective de savoirs peut se révéler utile pour une ville.

GOUVERNANCE DE LA PLANIFICATION SPATIALE

Planification stratégique et participative

La planification urbaine ne peut pas se réduire à un projet technique. Elle consiste en effet à donner forme à la ville et en ce qui concerne le BRAL, les pouvoirs publics bruxellois ne sont pas les seuls concernés, les Bruxelloises et les Bruxellois sont également des parties prenantes actives dans ce processus. Une transition s’impose du gouvernement à la gouvernance, d’une planification unilatérale de la part de l’administration à un processus intégré et participatif. Qui ne bénéficiera pas uniquement au caractère démocratique de notre ville, mais aussi à la qualité de notre planification urbaine.

La manière dont les pouvoirs publics organisent la ville a fortement évolué ces dernières années. L’élément le plus marquant a été l’introduction du Plan d’aménagement directeur (PAD). Le PAD était appelé à devenir le nouveau « powertool » pour le développement des grandes zones stratégiques (quartier européen, gare de l’Ouest, parc Josaphat et tutti quanti). Mais le moteur a des ratés. Autrement dit, la mise en production a été trop rapide. Les PAD ont donné l’impression de déferler sur la ville comme des bulldozers, au détriment d’un débat transparent sur les nombreux défis que ces instruments de planification peuvent relever. C’est la raison pour laquelle le BRAL souhaite que la Région bruxelloise prévoie une plus grande participation. Pour les PAD, ce souhait se traduit notamment par les recommandations suivantes :

  • éviter de développer toutes les zones en même temps et fixer des priorités sur la base d’une vision claire.
  • prévoir 6 mois pour la participation et la constitution d’une vision.
  • mener ensuite une enquête publique sur cette vision et récolter les avis sur les incidences qui doivent être étudiées plus en détail ainsi que sur les alternatives.
  • finaliser le document, une démarche effectuée par le bureau qui conçoit la vision et celui qui évalue les incidences.
  • très important : prévoir du temps pour une présentation publique digne de ce nom des résultats de ce travail et du volet réglementaire correspondant.
  • organiser l’enquête publique concernant le PAD dans son ensemble.

La ligne directrice qui sous-tend ces plans est claire et doit, en ce qui nous concerne, former le fil rouge de la planification spatiale en général : prenez le temps au début du processus de planification d’impliquer la population, de concevoir une vision et de collecter les points de vue.

Planification intégrée

La planification exige énormément de concertations, notamment entre les innombrables pouvoirs publics concernés (Perspective, Urban, Société d’aménagement urbain [SAU], Bruxelles Mobilité, Bruxelles Environnement, STIB, etc.). Planifier des milliers de logements, d’équipements collectifs et de bureaux, effectuer la transition vers une mobilité durable sans pouvoir s’appuyer sur une vision ou une mise au point claire, c’est aller au-devant des problèmes. Une concertation poussée entre les administrations et les cabinets s’impose donc. Des équipes de projet transversales peuvent constituer une solution, moyennant un mandat clair.

Tout au long de son histoire, le BRAL a été confronté au déroulement compliqué, voire à l’arrêt de plusieurs projets. La concurrence entre les administrations, la Région, les communes, les communautés et les autres Régions n’y est pas étrangère. Mais des dossiers s’enlisaient aussi en raison de leur propre complexité, sans qu’il faille chercher d’autres raisons. Aujourd’hui, la planification urbaine et l’urbanisme sont en pleine expansion. Nous attendons des pouvoirs publics qu’ils adoptent une attitude d’ouverture à la collaboration avec les mouvements issus de la société civile. Mais un certain nombre de services publics éprouvent déjà de grandes difficultés à travailler avec d’autres administrations, imaginez ce que cela peut donner avec ces drôles d’oiseaux que sont les collectifs citoyens. Tant que la coopération public-public ne s’améliorera pas, interagir avec les autorités restera une gageure pour la population. Le risque est en effet très grand que la partie soit interrompue à mi-parcours. Nous avons donc besoin d’une administration publique mieux intégrée pour impliquer plus étroitement la population dans la planification de la ville.

Table des matières

1. La ville dont vous rêvez

2. Participation

3. Des quartiers vivables dans une ville verte et compacte

4. La mobilité, un instrument pour des quartiers durables