Lettre ouverte – Que se passe-t-il dans nos quartiers bruxellois ?
Au Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale,
Aux bourgmestres de Bruxelles, Molenbeek, Saint-Josse, Saint-Gilles et Anderlecht,
Madame,
Messieurs,
Nos quartiers sont confrontés à un nombre croissant de réfugiés, de sans-abris, de mendiants, de personnes en errance, dans nos rues et nos places, dans les parcs, les stations de métro et les gares. Beaucoup d'entre eux sont sans papiers, n'ont pas ou peu de liens avec l'environnement dans lequel ils se trouvent et n'ont rien à perdre. A ce phénomène, après Covid, s'est ajouté la consommation et le trafic de crack.
Selon nous, Bruxelles est confrontée à un problème qui s'amplifie et qui rend la vie quotidienne difficile pour de plus en plus d'habitants.
Les habitants des quartiers de la gare du Nord, Tour & Taxis, Ribaucourt, Yser, Quai du Commerce, Quai aux Foins, Alhambra, le Marché aux Porcs, Cureghem, Clemenceau, Square de l' Aviation, Place Bara, Avenue de Stalingrad, Lemonnier, les Marolles, la gare du Midi, le Parvis de Saint Gilles etc... la liste est longue, sonnent l'alarme. Ils vivent tous la même chose. Une violence croissante dans les espaces publics (morts dans le métro ; bagarres dans les rues, avec ou sans couteaux ou autres armes), un sentiment général d'insécurité, des scènes poignantes de déchéance de personnes qui s'imaginent dans un monde parallèle, des rues et des gares sales avec des déchets de drogue, des restes de nourriture et des excréments, un nombre croissant de "petits" vols dans les voitures, les immeubles et les sacs à main, parce que -bien que bon marché- le crack se paie.
Cette situation menace de désintégrer notre tissu social urbain : les gens ne veulent plus voir leurs enfants grandir ici et déménagent, les personnes âgées n'osent plus sortir dans la rue le soir, les adolescents ne sont plus autorisés par leurs parents à se rendre seuls à l'école en métro, les parents n'osent plus laisser leurs enfants jouer dans les terrains de sport et les parcs, les femmes et les personnes LGBTQIA+ sont confrontés à des propos sexistes et désobligeants.
Notre expérience avec les drogués dans la rue nous a appris qu'il suffit d'une étincelle pour que l'agressivité devienne soudaine et aveugle. Combien d' entre nous n' ont pas été victimes de violence devant leur propre porte ? L'impact sur la qualité de notre vie quotidienne est profond. Beaucoup d'entre nous craignent ce qui pourrait arriver à leurs proches et/ou à eux-mêmes dans les espaces publics. Ce qui se passe dans les rues, dans le métro, dans les gares, affecte nos actions de telle manière que l'équilibre est complètement perdu. Nous voyons certains de nos voisins - qui vivent depuis longtemps dans nos quartiers et ont les moyens de déménager - fuir vers des zones plus calmes. C'est une perte pour la cohésion de nos quartiers.
Nous avons un nombre de questions et de réflexions en ce qui concerne ces abus :
- Lorsque nous nous promenons dans les rues d'autres villes belges, nous ne sommes pas confrontés à un problème similaire et de même ampleur que le nôtre. Comment se fait-il que seule Bruxelles soit confrontée à une telle concentration de réfugiés/transmigrants/mendiants/sans-abris, à laquelle s'ajoute depuis peu le problème du crack ? Comment se fait-il que les quartiers de la zone du canal, dans nos 5 communes, doivent faire face à cette concentration en grande partie seuls ? Pourquoi la Région bruxelloise est-elle aussi distante dans cette affaire ? Pourquoi les pouvoirs de la Région en matière de sécurité et d'ordre public ne sont-ils pas utilisés ?
La relation entre les habitants et ce groupe de personnes est complètement perturbée. Nos quartiers et nos gares ressemblent parfois à des zones de guerre. Comme la nuit du samedi 22 juillet à la gare du Midi, où une famille Anversoise a filmé les scènes qui se déroulaient sous ses yeux alors qu'elle ratait son dernier train : agression entre différents gangs dans la rue avec des coups de couteau et des blessés. - Pourquoi n'y a-t-il pas plus de coopération entre les communes bruxelloises concernées, la Région bruxelloise, le gouvernement fédéral ? La coopération entre ces autorités devrait être une priorité pour résoudre ce problème complexe et urgent, qui dépasse largement les frontières communales. Sans cette coopération, le problème est constamment déplacé ; d'une commune à l'autre, d'une zone de police à l'autre,.... comme s'il s'agissait de vases communicants ; un cercle vicieux. L'approche que vous utilisez aujourd'hui n' est pas très humaine.
- Pourquoi ne pas déployer davantage de policiers dans les rues, de gardes municipaux, de travailleurs de rue, ainsi que des services de conseil, d'assistance médicale, de logement si nécessaire pour les personnes confrontées à ces problèmes ? Pourquoi ne poursuit-on pas une approche globale, structurelle, soutenue, plutôt que de lutter de temps en temps, ici et là, contre certains des symptômes ? Nous comprenons qu'il existe toutes sortes de projets pour un avenir proche ou lointain, mais nous avons besoin de résultats déjà maintenant. Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une question complexe qu'il ne faut rien faire ou qu'il faut la remettre à plus tard.
- Les actions de "Sublink", la coopération entre plusieurs municipalités et la STIB, ont été couronnées de succès dans la station de métro Porte de Namur, où le problème des sans-abris et de la drogue était très présent. Pourquoi faut-il tant de temps pour étendre cette approche à d'autres stations de métro ? Comme lors du Covid, pourquoi la STIB ne déploie-t-elle pas plus de sécurité privée dans les stations de métro en difficulté ?
- Dans nos quartiers, nous avons le sentiment que le gouvernement, l'Etat, est trop souvent absent et que dans les rues, c'est la loi du plus fort qui prévaut. Nos problèmes ne sont pas nouveaux, ils persistent et s'aggravent de jour en jour. Les agressions dans les espaces publics se multiplient. Nous avons besoin de solutions pérennes. Le plus rapidement possible. Afin d'éviter de nouveaux incidents et de pouvoir poursuivre notre vie quotidienne de manière normale. Nous attendons de vous que vous soyez les initiateurs, les coordinateurs du changement, des investissements nécessaires, même s'ils doivent venir du gouvernement fédéral. Il s'agit du territoire où vous êtes chez vous.
Les habitants de vos communes, de votre région se sentent ignorés, incompris, négligés, de seconde classe.
Nous vous demandons d'assumer vos responsabilités. Maintenant. Ensemble. Pour vos citoyens, s'il vous plaît.
Cet appel est une initiative d'associations et de comités de quartier bilingues et bruxellois de la zone du canal et est partagé avec la presse néerlandophone et francophone.
Signé par :
Asbl Quartier Saint-Jacques - Bruxelles, Shopera - Association des commerçants du centre-ville de Bruxelles, Comité du Quai des Péniches - Bruxelles (ACP Canal Wharf-ACP Waterside-ACP Riva, ACP Up-Site), Comité Alhambra, BOB361 Architects, Comité de quartier de Meersman (Cureghem), Comité Vigilance Cureghem, Les exploitants et habitants des péniches du bassin Beco, Comité BRU 1000, Comité du Marché aux Porcs, les ACP's du Héliport 1, 2 & 3, VME Brel, Rempart44 co-work, Comité de quartier Minoterie - Molenbeek, Comité de quartier Place du Jardin aux Fleurs - Bruxelles, Les habitants du Quai aux Foins -Quai aux Pierres de Taille, les commerçants du Marché aux Porcs, Comité de quartier Le Maritime, Association commerciale Downtown Dansaert, Green Connections (Berme Centrale/Foire du Midi), CLS Cosmos - Anderlecht, CLS Harmonie - Bruxelles, CLS Forum - Bruxelles, CLS Anker - Bruxelles, CLS Miro - Forest, CLS Vives - Bruxelles, ACP Lambert Crickx, BRAL, Comité de quartier Porte d' Anderlecht, ATF Asbl (Autour du four) - Molenbeek, PPCV Asbl (Potager Partagé Coulée Verte) - Molenbeek, Triangel30Triangle - Anderlecht, Maison de quartier Bonnevie - Molenbeek, VZW Gemeenschapscentrum Ten Noey (Sint Joost ten Node), Comité de Quartier Yser/Sainctelette - Bruxelles.
Cette action est soutenue par : EXKi Bolivar - Schaerbeek, EXKi Rue Neuve - Bruxelles, EXKi-Porte de Namur, Ixelles