L'Europe vote en faveur de l'air pur !

23/05/2024
Aperçu buggy
Foto: Bruxsel’Air, Buggyparade, 17/06/2017

Notre appel n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Par  une large majorité, le Parlement européen a voté en faveur de la nouvelle directive sur la qualité de l'air ambiant (AAQD). La plupart des députés belges ont soutenu le texte. Seuls le Vlaams Belang et la N-VA (bonjour la ministre Zuhal Demir ?) ont voté contre. Le PTB s'est abstenu.

Avec la nouvelle directive sur la qualité de l'air, l'UE fait un pas important vers un air sain. La version précédente, datant de 2008, était complètement dépassée. Elle représentait une aberration par rapport aux connaissances actuelles sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé. En outre, elle présentait des lacunes en ce qui concerne la mise en œuvre d'une politique efficace en matière d'air et ne permettait pas aux citoyens de faire valoir leurs droits en toute légalité. Une nouvelle législation s'imposait. Le Parlement a désormais  proposé un texte que  le Conseil des ministres doit encore ratifier.

Quelles normes ? 

En tant que défenseurs d'un air sain, nous parlons souvent en chiffres. Combien de polluants l'air peut-il contenir à l'avenir ? C'est le critère de référence pour prévenir autant de dommages que possible pour la santé. C'est là que nous constatons que la nouvelle directive sur la qualité de l'air représente une grande amélioration. Par exemple, les normes pour le dioxyde d'azote (NO2) passent de 40 à 20 microgrammes/m³ sur une base annuelle.

 

en microgrammes/m³   Directive de l’OMS Ancien AAQD   Nouveau AAQD  
NO2 Année 10 40   20  
  Journée 25 -   50 (max 18x/an)
  Heure - 200   200 (max 3x/an)
PM2.5 Année 5 25   10  
  Journée 15 -   25 (max 18x/an)

 

Celles des poussières fines (PM2.5) passent de 25 à 10 microgrammes/m³. En outre, la législation devient également plus sensible aux effets néfastes sur la santé d'épisodes de courte durée. Pour la première fois, des valeurs journalières ont été fixées pour les deux polluants. Pour le NO2, elles s'élèvent à 50 microgrammes/m³, et pour les PM2.5 à 25 microgrammes/m³. Ces valeurs journalières ne peuvent être dépassées que 18 fois par an au maximum.

Il y a anguille sous roche

Ces normes doivent être atteintes d'ici à 2030. En d'autres termes, au 1er janvier 2030, la qualité de l'air ne doit dépasser ces normes en aucun endroit de l'UE. Mais il y a des points d'achoppement. Par exemple, le texte prévoit un report possible jusqu'en 2035 (+ 2 ans supplémentaires) si un pays peut démontrer, à l'aide de modèles scientifiques, qu'il est impossible d'atteindre une valeur limite, même lorsque toutes les mesures connues d'amélioration de la qualité de l'air ont été prises. En outre, un report jusqu'en 2040 est également possible pour certaines régions s'il est impossible de respecter les valeurs limites en raison de conditions climatiques et/ou orographiques spécifiques, ou si cela implique une conversion trop rapide des systèmes de chauffage domestique.

Du côté positif, tous les États membres devront immédiatement commencer à travailler sur cette nouvelle législation. Chaque État membre devra établir une feuille de route (air quality roadmap) sur la qualité de l'air afin d'atteindre les valeurs limites en 2030 si la modélisation montre qu'ils ne les atteindront pas entre 2026 et 2029. Ce plan devra déterminer les mesures nécessaires pour atteindre les normes. Le texte dresse également une liste non exhaustive de mesures possibles, allant des LEZ à la normalisation des émissions industrielles, que les États membres devraient envisager. 

Si certaines zones ne sont toujours pas respectées en 2030, le pays doit élaborer un plan relatif à la qualité de l'air pour ces zones afin d'y remédier "dès que possible" (d'après les décisions des tribunaux de l'UE, la loi sait que cela signifie 2 à 3 ans).

Accès à la justice 

Autre nécessité, la nouvelle directive sur la qualité de l'air contient tout un ensemble de mesures supplémentaires visant à sensibiliser davantage les citoyens aux questions de qualité de l'air.  Ce qui est tout à fait nécessaire. Non seulement cela peut créer un soutien pour la mise en place des mesures nécessaires, mais il est également nécessaire que les groupes les plus vulnérables soient mieux protégés. 

En outre, la nouvelle réglementation offre une meilleure protection juridique aux citoyens. Par exemple, les personnes souffrant d'une mauvaise qualité de l'air peuvent s'adresser aux tribunaux pour obtenir un dédommagement.

Un bilan positif divisé

Est-ce l'AAQD que nous espérions ? Pas tout à fait. Nous voulions que la loi joue à fond la carte de la santé publique et impose les lignes directrices de l'OMS d'ici à 2030. Nous souhaitions également que les possibilités de retard soient réduites au strict minimum. Cela n'a pas été le cas. L'AAQD reste un compromis entre la santé et les intérêts économiques. 

Cette loi représente toutefois une nette amélioration par rapport à la version précédente. A l'approche des élections européennes, l'adoption de cette directive - lors de la dernière session de l'actuel Parlement européen - constituait un obstacle important à franchir. En outre, le texte laisse ouverte la possibilité de revoir régulièrement les valeurs limites en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques. La procédure de mise à jour sera ainsi beaucoup plus légère à l'avenir.

Qu'est-ce que cela signifie pour Bruxelles ?

Les nouvelles valeurs limites ne sont actuellement pas respectées dans la Région de Bruxelles-Capitale. Pour le NO2, nous sommes légèrement au-dessus de 20µg/m³ en moyenne (en 2022). Mais nous savons que la pollution de l'air n'est pas une histoire de moyennes. Il est important de respecter les normes à chaque endroit. Pour l'instant, nous constatons que la plupart des stations bruxelloises restent raisonnablement au-dessus de ce nouveau seuil. Cette observation est soulignée par le réseau secondaire ExpAIR. Cela montre clairement qu'il ne s'agit pas d'un problème hyperlocal.

Pour les PM2.5, la situation est similaire, bien que les tendances soient généralement plus positives. La moyenne pour Bruxelles se situe juste autour de la nouvelle limite, et trois des quatre stations sont juste au-dessus. 

Si ces tendances se poursuivent (beaucoup dépendra de la prochaine phase de la  LEZ), il semble que Bruxelles sera en mesure de respecter les limites de l'UE d'ici 2030. L'élaboration potentielle d'une feuille de route par la Région de Bruxelles-Capitale dépendra des évolutions à venir.  Il n'est pas inconcevable que nous soyons en dessous de cette nouvelle limite en moyenne, mais nous la dépasserons certainement aux endroits où le trafic est intense ou à proximité d'autres sources d'émissions, telles que les installations de chauffage. Vient ensuite la question de l'interprétation de cette obligation de feuille de route. Sur la base des arrêts antérieurs de la Cour de justice  de l’Union Européenne, nous pouvons conclure qu'elle signifie "pas de violation du tout". Cela nous permet de pousser la Région de Bruxelles-Capitale à créer une feuille de route. 

Il est possible d'être plus ambitieux 

Enfin, la législation européenne est le minimum que les États membres doivent s'engager à respecter. Rien ne les empêche d'être plus ambitieux. Il en va de même pour la région bruxelloise. Le Plan Air-Climat-Énergie indique que Bruxelles souhaite atteindre les normes de l'OMS d'ici 2035. Les calculs de Bruxelles Environnement montrent également que c'est possible. Dès lors que Bruxelles transposera la nouvelle législation européenne dans la sienne, elle pourra ancrer légalement cette ambition.

 

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