L’hospice Pacheco : encore un appel à projets qui exclut d’emblée le logement
L’Hospice Pachéco, 12.000m², propriété du CPAS de 1000 Bruxelles est un magnifique immeuble, situé en plein centre-ville et inoccupé depuis plusieurs années. Jusqu’en 2017, ce bâtiment hébergeait une maison de repos et de soins. Depuis, le bâtiment est resté plus ou moins vide, avant d’être occupé dans le cadre de la Campagne de Réquisitions Solidaires par des militants du droit au logement, puis vidé de ses occupants par la police.
L’Hospice Pachéco, 12.000m², propriété du CPAS de 1000 Bruxelles est un magnifique immeuble, situé en plein centre-ville et inoccupé depuis plusieurs années. Jusqu’en 2017, ce bâtiment hébergeait une maison de repos et de soins. Depuis, le bâtiment est resté plus ou moins vide, avant d’être occupé dans le cadre de la Campagne de Réquisitions Solidaires par des militants du droit au logement, puis vidé de ses occupants par la police.
Il fait désormais l’objet d’un appel à projets, avec pour objectif d’y lancer une occupation temporaire avec des projets «de type sociaux, culturels, artistiques, socio-économiques, éducatifs, d’économie circulaire et de développement durable ». L’appel précise : « le logement n’est pas autorisé ».
Cette exclusion du logement surprend en ce qu’elle s’inscrit dans une série d’appels à projets qui écarte explicitement l’affectation logement dans le cadre d’occupations temporaires de bâtiments publics inoccupés.
Et cette liste se fait de plus en plus longue : l’Hospice Pachéco (CPAS), le site des Goujons ou de Ropsy Chaudron (CityDev), les casernes d’Etterbeek (SAU), le Tri Postal (SNCB)…
La mise en mouvement des opérateurs publics vers l’occupation temporaire de leurs bâtiments vacants est certes un signal très positif qui se doit d’être souligné. Mais la mise à l’écart de manière répétée et quasi-automatique d’une fonction aussi fondamentale que le logement est pour le moins problématique.
Si d’évidence l’hébergement requiert des conditions spécifiques qui suscitent des questions légitimes (état technique des bâtiments, budgets disponibles, durées des projets…) ces appels à projets sur les espaces vacants sont à remettre dans un contexte plus général : celui d’une crise du logement qui n’en finit pas.
La crise du logement et le paradoxe des espaces vides : une question de cohérence
Dimanche 28 mars marquait la journée internationale du droit au logement. Cet appel annuel est l’occasion de se remémorer que, bien qu’un logement décent soit un droit constitutionnel, son obtention s’apparente malheureusement de plus en plus à un privilège qu’à un acquis pour tous. Il est utile de garder quelques chiffres à l’esprit : la capitale de l’Union Européenne compte plus de 45.000 ménages sur liste d’attente pour obtenir un logement social, et ceux qui en obtiennent l’ont parfois attendu pendant 15 ans. On recense plus de 5300 personnes mal logées ou à la rue, dont près de 1000 enfants. On peut aisément imaginer ce que ces chiffres déjà insupportables vont devenir une fois que la double crise, sanitaire et sociale, sera “derrière” nous.
Paradoxalement, alors que se loger devient un parcours du combattant, Bruxelles compte aussi énormément de bâtiments et de logements… vides ! 10% des logements sociaux inoccupés, 15% des bureaux vacants, plus de 5000 logements au-dessus des commerces à l’abandon. Cumulé, on dénombre actuellement plus de 6.5 millions de m² vides en RBC. Mis bout-à-bout, c’est l’équivalent de la superficie au sol de la commune d’Ixelles ! Certains vont même jusqu’à parler d’une « vingtième commune » de Bruxelles, composée de l’ensemble des espaces inoccupés de notre Région.
Mais alors, ne serait-il pas logique d’utiliser ces infrastructures vacantes pour résorber une partie de cette crise ? Le bon sens n’indique-t-il pas naturellement de mettre ces espaces vides en priorité au service des personnes les moins bien loties ?
Pour faire face à cette crise du logement, le gouvernement n’est démunis ni de solutions ni de moyens. Et l’occupation temporaire des bâtiments vides pour faire de l’hébergement est l’une des pistes, parmi tant d’autres. Nos mandataires publics nous ont d’ailleurs affirmé à de nombreuses reprises prendre le sujet de l’occupation temporaire à finalité sociale à bras le corps.
Déjà dans la Déclaration 2019-2024, le Gouvernement Régional rappelait vouloir « favoriser les initiatives d’occupations temporaires à caractère social, tout en visant à assurer la pérennité du parc social de logements sur le long terme ». Plus récemment encore, Nawal Ben Hamou, Secrétaire d’Etat au Logement en RBC, le confirmait par son Plan d’urgence logement. Si celui-ci comprend une série de solutions long-termes et structurelles essentielles, il insiste également sur la nécessité de remobiliser les logements vides.
Si pas maintenant, quand ?
Malgré tout, dans la presque totalité des appels à projets portant sur la mise à disposition de bâtiments publics vides, la tendance est de faire primer les projets socio-culturels et commerciaux sur l’hébergement.
Alors au-delà de contester les contraintes techniques, budgétaires ou d’opportunité qui justifieraient potentiellement l’écartement du logement dans tel ou tel appel à projets, c’est une logique sous-jacente que nous remettons en cause.
Que penser des déclarations politiques volontaristes sur l’occupation temporaire à finalité sociale et des appels à la solidarité citoyenne quand ceux-ci ne peuvent se matérialiser dans les faits ? Si on ne mobilise pas les bâtiments publics vides pour abriter les personnes en détresse, alors où le fera-t-on ?
L’occupation temporaire à finalité sociale a le potentiel d’offrir des abris de transit sûrs, décents et abordables à des personnes en grande précarité tout en les intégrant dans des projets mixtes où s’entremêlent accompagnement social, culture, économie sociale et éducation. Ces projets concrets fonctionnent. D’innombrables exemples illustrent le succès de telles approches, couplant hébergement et activités, comme le projet des « Grands Voisins » au cœur de Paris, avec l’occupation temporaire d’un gigantesque hôpital vide. Qu’est-ce qui nous empêcherait, à Bruxelles, d’y parvenir ?
Penser l’occupation temporaire à finalité sociale de bâtiments publics vides et y interdire à priori le logement, c’est amputer le concept de son sens, pour n’en garder que l’enduit.
L’urbanisme temporaire ne peut en aucun cas servir d’alibi ou devenir un verni sur la rouille d’une ville qui devient de moins en moins habitable pour une frange grandissante de sa population.
Les acteurs de terrain sont prêts. Pouvoirs publics : à vous de jouer !
Associations d’insertion par le logement, collectifs, professionnels du travail social, plateformes d’occupation temporaire à finalité sociale, structures d’accompagnement… nous sommes prêts !
Nous ne minimisons aucunement les aspects techniques ni n’estimons au rabais les coûts que nécessitent la mise en place de projets d’hébergement. Mais nous constatons que les bâtiments vides ne manquent pas, que les besoins sont criants et que les acteurs de terrain sont compétents, expérimentés et légitimes pour coordonner l’occupation de ces bâtiments publics d’envergure.
Nous le disons haut et fort : le parc immobilier de notre région regorge de bâtiments inoccupés. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics détenteurs de foncier vacant de mettre leurs espaces à disposition pour y lancer des projets d’occupations temporaires mixtes, incluant une partie importante d’hébergement. Faute de cela, ces espaces seront captés par des opérateurs d’occupation temporaires peu soucieux de la visée sociale des activités qui prendront place dans les lieux. Le gouvernement s’écartera ainsi in fine des ambitions qu’il s’était fixé dans sa déclaration.
Nous serons attentifs, dans le cadre des futurs appels venant des opérateurs publics à dénoncer toutes exclusions des opportunités d’offrir de l’hébergement quand cela est possible. Au lieu de les écarter, c’est précisément ce type d’occupations à finalité sociale que les pouvoirs publics doivent appuyer de manière systématique. Et pour ce type de projets, les acteurs de terrain répondront présents.