Indexation des loyers à Bruxelles: la (grosse) goutte qui fait déborder le budget
À partir du 1er novembre en Wallonie et du 1er octobre en Flandre, le gel d’indexation des loyers pour les passoires énergétiques prendra fin. À Bruxelles, la mesure expirera à la mi-octobre, sauf décision contraire. Pour la Plateforme Logement, prolonger le gel est pourtant une évidence dans le contexte actuel.
Carte blanche parue dans Le Vif, le 27 septembre 2023. Le secteur associatif en Flandre a exprimé une opinion similaire.
Le 14 octobre 2022 a été votée une ordonnance bruxelloise limitant pour un an la possibilité d’indexer les loyers en fonction de la Performance Energétique du Bâtiment (PEB). À l’époque, la mesure a été accueillie comme une demi-victoire par le secteur associatif de lutte contre la pauvreté et de défense du droit des locataires. En effet, vu la période de forte inflation et la complexité pour le/la locataire de faire valoir ses droits, nous aurions préféré une limitation pure et simple de l’indexation de tous les loyers, peu importe leur PEB. Mais malgré tout, cette mesure a protégé de nombreux·ses locataires dont l’indexation a été limitée, voire interdite.
À l’époque déjà, nous avions rappelé que l’indexation des loyers était une mesure qui n’avait de sens que dans un marché strictement encadré – ce qui est loin d’être le cas. Aujourd’hui, le prolongement de cette mesure est contesté par certains partis du gouvernement bruxellois, alors qu’elle présente des bénéfices évidents.
Contexte pareil, mesure justifié
Au moment même où les pages Immo de la presse belge alertent (ou se réjouissent, selon les points de vue) des loyers en hausse à Bruxelles, il nous est incompréhensible qu’une mesure telle que la limitation de l’indexation des loyers ne puisse être pérennisée. En effet, entre le moment où la mesure a été prise et aujourd’hui, le contexte a finalement peu changé : les loyers continuent d’augmenter, les logements sont toujours aussi peu rapidement rénovés, il y a toujours trop peu de logements sociaux disponibles, les expulsions domiciliaires sont toujours légion dans la capitale,…
Si l’inflation a ralenti, elle reste toujours supérieure à la normale et Bruxelles, en comparaison aux deux autres régions du pays, comporte toujours une proportion très importante de locataires, ainsi que de ménages à risque de pauvreté. De plus, aucune mesure structurelle d’encadrement des prix de l’énergie n’a été prise, nous laissant exposé·es à une nouvelle flambée des prix sur les marchés internationaux et à leur répercussion sur l’indice des prix à la consommation.
Un bonus, pas un revenu de remplacement
Limiter l’indexation des loyers en fonction du PEB ne va plonger personne dans la précarité, cela va simplement protéger celles et ceux qui en ont le plus besoin ! La majorité des emprunts bancaires sont en effet réalisés à taux fixe : les dépenses des propriétaires bailleurs endettés n’ont donc pas subi la même inflation que celles des locataires. Par ailleurs, une récente étude sur le profil des bailleur·euses a prouvé que la plupart bénéficient de revenus d’activités professionnelles. Le loyer est en général un « bonus » par rapport au revenu « ordinaire » et non un revenu qui remplace ou complète un revenu plus faible.
Pour les locataires, l’affaire est tout autre. Ayant un revenu en moyenne plus faible que celui de leur bailleur·euse, leur budget mensuel est à flux tendu. L‘indexation des loyers est la (grosse) goutte qui « fait déborder le budget » ! Le risque de surendettement, de précarité énergétique et hydrique, ainsi que d’expulsion augmente. Pour rappel, les dépenses concernant le logement restent les postes les plus importants dans les budgets des ménages : 34% en moyenne, un chiffre qui grimpe jusqu’à 70% pour les plus précaires. Trop souvent, des ménages postposent un rendez-vous chez le médecin, se privent d’une alimentation de qualité, ou encore d’acheter le matériel nécessaire pour le suivi scolaire de leurs enfants, tout ça pour pouvoir payer (trop cher) le droit de vivre dans un logement souvent de très mauvaise qualité et/ou surpeuplé (1) .
Alors que la majorité politique bruxelloise ne parvient pas à trouver un accord sur la commission paritaire locative – qui est pourtant inscrite dans l’accord de gouvernement et pourrait permettre une meilleure régulation des loyers abusifs à Bruxelles – il est inacceptable qu’une mesure simple, nécessaire pour les plus fragiles et ayant prouvé son efficacité, ne puisse être prolongée.
(1) La moitié de la population bruxelloise en situation de risque de pauvreté vit dans des logements considérés comme trop exigus par rapport à la taille de leur ménage.
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Le titre est de la rédaction. Titre initial: « L’indispensable prolongation de la limitation de l’indexation des loyers à Bruxelles »
Carte blanche à l’initiative de la Plateforme Logement, qui rassemble : Equipes Populaires Bruxelles, MOC Bruxelles, Inter-Environnement Bruxelles, CSC Bruxelles, FGTB Bruxelles, FéBUL, RBDH.
Liste des signataires:
Syndicat des Locataires
Le Front Rendre Visible l’Invisible
Convivence
Loyers Négociés
Le Forum – Bruxelles contre les inégalités
Lire et Ecrire Bruxelles
Habiter Bruxelles
Les ami.es du champ des cailles
La Fédération des Services Sociaux
Syndicat des immenses
DoucheFLUX
Infirmiers de Rue
L’Ilot
RWDH
Communa asbl
La Fédération des maisons médicales
BPA
Agora
Fédé AMA
ULM
Coordination des Sans-papiers de Belgique
Pigment VZW
Habitat et Rénovation
Buurtwinkel
ATD Quart Monde
Front commun des SDF
Services Sociaux des Quartiers 1030 asbl – Wijkmaatschappelijk Werk 1030 vzw
Une maison en plus
Action Logement Bruxelles
Maison de quartier Bonnevie
Formation Léon Lesoil
Gauche Anticapitaliste
le BRAL
Tranche d’Anar
Informations complémentaires
A Bruxelles, la mesure empêche un propriétaire d'indexer le loyer s'il s'agit d'un bien avec une attestation F, G, inconnue ou non enregistrée. Avec une attestation E, une indexation de 50 % est autorisée. Avec une attestation A, B, C ou D, l'indexation est autorisée à 100 %.
Comparons avec la Flandre, où un propriétaire n'a pas le droit d'indexer un bien avec une attestation E, F ou inconnue. 50% pour une attestation D. Avec une attestation A+, A, B ou C, on peut indexer à 100%. La Flandre est donc plus stricte que Bruxelles.
D'ici 2025, toutes les habitations bruxelloises devront disposer d'un certificat de performance énergétique des bâtiments (PEB). Aujourd'hui, ce certificat n'est exigé qu'en cas de location ou de vente d'une habitation. À partir de 2025, un propriétaire sera également tenu d'effectuer des travaux pour améliorer le score énergétique de son bien.
Actuellement, le parc immobilier bruxellois affiche une moyenne de D, E ou moins. Selon les estimations, rapporte Bruxelles Environnement, un logement sur trois n'est pas isolé et plus de la moitié des émissions directes de gaz à effet de serre proviennent de la consommation énergétique des bâtiments. D'ici 2050, la Région souhaite que tous les logements atteignent la note C+, ce qui nécessite la rénovation de 570 000 logements d'ici là. La politique de rénovation est donc une pierre angulaire importante pour atteindre l'objectif climatique de neutralité en CO2 d'ici 2050.
Pour en savoir plus sur la performance énergétique des bâtiments et les moyens de l'améliorer, consultez le site www.leefmilieu.brussels/epb. Pour les primes, consultez le site https://renolution.brussels. Pour obtenir de l'aide sur mesure https://www.reseauhabitat.be/ et https://homegrade.brussels.