PPAS Biestebroeck : détruire l'existant pour faire pire !

23/12/2024

Ce mardi 17 décembre à 13h, le projet de Plan particulier d'affectation du sol (PPAS) Biestebroeck passera en commission de concertation à la commune d'Anderlecht (Place du Conseil, 1). Suite à un recours devant le Conseil d'État, la moitié du PPAS avait été annulé obligeant la commune à développer une nouvelle version. Cette dernière, comme la première, tend sérieusement à épouser les desideratas des promoteurs présents sur ce territoire (Atenor, Immobel, BPI...) au détriment des besoins des habitant.es et des entreprises, en gaspillant au passage un foncier précieux par sa capacité à accueillir de la biodiversité et des activités portuaires utiles à la ville. C'est pourquoi les riverain.es du Marais Biestebroeck, IEB, l'ARAU, le BRAL, la CSC-ACV, le CCN Vogelzang CBN, le CRU, les EGEB, la FGTB, le Marais Wiels Moeras, Natagora Bruxelles, POWER4trees le RBDH, le TFJ et l'ULAC sont donc défavorables au projet de PPAS et demandent sa révision !

Le PPAS de 2017 avait fait l'objet de maintes critiques de la part des habitant.es, du secteur associatif et des syndicats. Ils avaient pointé le fait que le changement d'affectation du sol de zone d'industrie urbaine (ZIU) en ZEMU (zone d'entreprise en milieu urbain), avait constitué, en autorisant la création de logements, le cheval de Troie pour des projets spéculatifs de divers promoteurs, avec un risque bien réel de condamner définitivement toute capacité portuaire à venir dans le Sud de Bruxelles. Ils s'étaient également inquiétés de l'absence de garanties de productions de logements sociaux dans un territoire en comptant insuffisamment et où les revenus moyens par habitant.e sont inférieurs de plus de 20% à la moyenne régionale. Enfin, ils soulignaient les densités infernales proposées génératrices d'un trafic automobile conséquent et d'un écrasement des sols au contexte géologique et hydrogéologique peu favorable à de telles constructions (sols pollués, rabattement de nappes phréatiques affleurantes, risque de tassement dans une zone tourbeuse...). [1]

L'annulation du PPAS était donc une occasion à saisir pour réduire les densités inadaptées de logements privés, chassant les entreprises et prenant place dans des tours écrasant l'espace public et imperméabilisant les sols. Une occasion d'imposer aux promoteurs des pourcentages de logements sociaux, de construire des équipements collectifs nécessaires et de préserver des sols vivants dont la précieuse zone humide de l'îlot Shell et la biodiversité du terrain « Urbanities ». L'occasion aussi de prévoir des proportions plus équilibrées entre les logements et les espaces productifs et portuaires. Bref, l'occasion de penser un projet à l'échelle de la valeur d'usage du territoire plus qu'à sa valeur marchande. Malheureusement, pour les riverain.es du Marais Biestebroeck et les associations signataires force est de constater que le nouveau projet de PPAS proposé est en grande partie fidèle à celui adopté précédemment et fait la part belle aux tours spéculatives en front de canal !

La dilapidation des activités productives

La commune en opérant de la sorte va complètement à contre-courant des constats posés par les administrations régionales. Le rapport de Perspective Brussels sur les permis délivrés en 2018 et 2019 posait ce diagnostic : « Les 76 000 m² de logements qui y ont été autorisés et qui s'ajoutent à des logements autorisés avant 2018 risquent de compromettre les objectifs des ZEMU. [...] il est important de ne pas inverser les fonctions principales (activités productives) et secondaires (logement), or c'est ce qui se produit actuellement ». Ce constat est confirmé par le tout nouveau rapport sur les permis 2020-2021 : « Une protection accrue des fonctions en perte de vitesse et considérées comme nécessaires, telles que les activités productives ». [2]

La 5ème édition de l'Observatoire des activités productives en Région bruxelloise, publiée ce jeudi 28 novembre 2024 par Perspective.brussels enfonce le clou  [3] : « Une série de grands projets mixtes sont envisagés autour du bassin, dans lesquels les activités productives ont une place relativement minime comparée aux autres fonctions (logement, bureaux, commerces et, plus rarement, équipements). » (p. 34) alors que « les espaces pour accueillir les entreprises manufacturières manquent en Région bruxelloise  », que « les zones dédiées à l'industrie arrivent à saturation » et que « leur présence dans des zones mixtes continue de diminuer ». Le diagnostic du rapport d'incidences environnementales (RIE) du PPAS ne dit pas autre chose (p. 79) : « signalons le risque du PPAS de substituer le tissu monofonctionnel industriel par un tissu excessivement résidentiel, avec une proportion trop faible d'activités productives et équipements. »

En effet, la nouvelle mouture du projet de PPAS prévoit 68 % de superficies consacrées aux logements (sans garantie de logements publics/sociaux), tandis que les activités productives se rétractent encore en passant de 17 % à 13,5 %. Quant aux activités portuaires déjà congrues, elles passent de 0,5 % à 0,2 %. Or à cet endroit, le canal est doté d'un bassin giratoire pour les péniches, le Port possède 2,2 hectares et plusieurs centaines de mètres de quai, la possibilité d'accueillir un terminal pouvant assurer la distribution de marchandises vers la région sud de Bruxelles : ce bassin constitue le seul endroit au sud de la Région où la manutention des marchandises transportées par bateau peut encore avoir lieu. Cette vocation est aujourd'hui mise à mal par les projets de logements : « Là où la ville a besoin de ces espaces dédiés à sa desserte, la problématique de la compatibilité entre des projets de logements neufs et les projets de logistique urbaine revient à l'avant plan. »

Le logement social aux oubliettes

Le RIE du PPAS de 2016 reconnaissait que compte tenu de la propriété entièrement privée des parcelles visées par le PPAS, le logement neuf serait produit à des prix de marché, peu accessibles à une partie importante de la population. Or depuis l'adoption du PPAS, dans tous les projets pour lesquels des permis ont été délivrés dans le périmètre (City Dox, The Dock, Key West, Urbanities), la commune d'Anderlecht a toujours refusé d'imposer un pourcentage de logements sociaux ou d'affecter les charges d'urbanisme à leur construction. Elle a au contraire considéré qu'elle produisait déjà suffisamment de logements à finalité sociale et a fait savoir lors des comités d'accompagnement du projet qu'elle refusait une prescription qui aurait annoncé un pourcentage de logements sociaux à créer.

Or au 31 décembre 2020, 10 % des ménages de la commune, étaient inscrits sur la liste d'attente pour accéder à un logement social [4], 35 % de la population anderlechtoise avaient le droit à une intervention majorée (BIM) à Anderlecht. Malgré ces constats alarmants, le PPAS ne fixe aucun % de logements sociaux, seule façon pourtant de garantir avec certitude la production de logements abordables. Rappelons que le Plan canal initial prévoyait dans le périmètre du PPAS 30 % de logements publics.

Par ailleurs, l'offre massive en logements privés prévue supposerait de produire en parallèle une offre proportionnelle en équipements de la petite enfance et scolaire. Le RIE signale que l'offre en crèches actuelle au sein de la commune est nettement inférieure au taux de couverture recommandé au niveau européen. Certes la commune souhaite affecter les futures charges d'urbanisme prioritairement aux équipements scolaires mais cela la conduit à accepter des projets très denses en logements conduisant à un cercle vicieux de ne jamais parvenir à compenser la demande en équipements ainsi créée.

Une densité qui écrase les sols

De fortes densités sont souvent justifiées par le fait que ces dernières permettent de libérer du sol. Rien n'est moins sûr. Deux parcelles du PPAS non bâties présentent un potentiel de biodiversité important mais le projet de PPAS pense la biodiversité selon une logique de compensation mathématique qui est déconnectée du fonctionnement des écosystèmes naturels. Ainsi pour le site Urbanities, alors que cette parcelle est en grande partie perméable et en pleine terre, le PPAS autorise son imperméabilisation jusqu'à 75 % et la partie dite végétalisée peut être prévue sous forme de toitures vertes ce qui n'offre nullement les propriétés d'un sol vivant de pleine terre. Il en va de même pour l'îlot Shell alors que celui-ci accueille une prairie humide semi-naturelle, des roselières et une saulaie/peupleraie, autant d'écosytèmes, pour certains protégés par l'Ordonnance Nature, que le projet de PPAS ne protège absolument pas alors qu'ils peuvent jouer un rôle non négligeable en termes de gestion des eaux pluviales et d'îlot de fraîcheur urbain. Le patrimoine végétal urbain déjà implanté est le plus résilient.

Le RIE du PPAS de 2016 signalait que le contexte géologique et hydrogéologique du périmètre du PPAS était peu favorable à la construction de gabarits importants ou d'infrastructures souterraines dès lors que la nappe alluviale est globalement proche de la surface. Si bien que la construction d'infrastructures en sous-sol nécessiterait la plupart du temps de rabattre la nappe, ce qui induirait un risque de tassement dans les zones présentant des caractéristiques de tourbières. Le RIE du présent projet de PPAS pose les mêmes constats sans qu'aucune mesure ne soit prise.

Ce projet de PPAS apparaît alors que le Gouvernement sortant vient de valider des orientations stratégiques [5] favorisant « l'émergence d'une Région [ ] sobre dans son usage du sol, permettant à chacun.e d'avoir accès à un logement adapté à ses besoins, d'y trouver à proximité des services collectifs [ ] et générant des emplois dans un cadre partagé et profitable à toutes et tous ».

Pour les associations signataires, au regard de ces priorités, le nouveau projet de PPAS propose des objectifs obsolètes. Sa révision était l'occasion de rectifier le tir des erreurs passées pour faire du bassin de Biestebroeck une zone productive et de biodiversité. En l'état, il gaspille un foncier précieux pour construire des logements qui ne correspondent pas aux besoins des bruxellois.es et certainement pas des anderlechtois.es.

Les associations signataires sont donc défavorables au projet et demandent sa révision !

Signataires : ARAUBRALCCN Vogelzang CBNCentre de Rénovation Urbaine (CRU)CSC BruxellesÉtats Généraux de l'Eau à Bruxelles (EGEB)FGTB BruxellesInter-Environnement Bruxelles (IEB)Marais WielsNatagora BruxellesPower4TreesRBDHTuiniersForum des JardiniersUnion des Locataires d'Anderlecht Cureghem (ULAC)

 

[1Le réaménagement du bassin de Biestebroeck : un géant immobilier inadapté sur des pieds d'argile.

[2https://perspective.brussels/sites/default/files/documents/bbp_ofu_2_20240917.pdf

[3https://perspective.brussels/sites/default/files/documents/oap5_241128_web.pdf.

[4] Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles, 2020.

[5https://perspective.brussels/fr/actualites/share-city-le-gouvernement-valide-les-orientations-strategiques-de-la-modification-du-pras

 

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