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À travers des publications comme « Selfcity BXL », « Les Bruxellois mettent la main à la pâte » ou « Le site Josaphat, ça vous dit quelque chose ? », BRAL suit de très près et depuis des années les initiatives citoyennes qui contribuent à façonner Bruxelles. Nous attendons des pouvoirs publics qu’ils adoptent une attitude d’ouverture à la collaboration avec ces mouvements issus de la société civile. Mais un certain nombre de services publics éprouvent déjà de grandes difficultés à travailler avec d’autres administrations, imaginez ce que cela peut donner avec ces drôles d’oiseaux que sont les collectifs de riverains. Tant que la coopération entre le public et le privé ne s’améliorera pas, interagir avec les autorités restera une gageure pour les citoyens. Le risque est en effet très grand que la partie soit interrompue à mi-parcours.

Après, la façon dont le gouvernement bruxellois planifie la ville a connu un véritable bouleversement en 2016. Les cartes de certaines institutions ont été redistribuées et l’administration qui a éclos après ce remaniement a été dotée de nouveaux outils de travail. L’objectif ? Concevoir des plans régionaux plus efficaces et les mettre en œuvre. Si, si, on allait enfin en finir avec cet éternel bras de fer entre des services qui travaillent les uns à côté des autres. Finie cette interminable procession de plans coûteux qui atterrissent dans un tiroir parce qu’une autre administration n’en a pas tenu compte dans l’octroi de permis.

Peu de Bruxellois se préoccupent de ces réformes administratives, mais leur importance pour la ville se révèle considérable. L’administration reste en première ligne lorsqu’il s’agit de prévoir des espaces verts et des logements abordables en suffisance ou d’améliorer l’infrastructure cycliste et les transports en commun. C’est pourquoi le BRAL a publié en 2016 « BXL Plant », dans lequel elle dresse la liste de toutes les réformes et promesses. Dans cet ouvrage, les directeurs de Perspective.brussels et de la Société d’aménagement urbain (SAU), qui à l’époque venaient de voir le jour, donnent quelques mots d’explication sur toutes ces réformes. Après deux ans d’échauffement, nous estimons que le moment est venu de procéder à une première évaluation[1]. Nous allons aussi étudier de très près leur principal nouveau jouet : les Plans d’aménagement directeurs, ou PAD. Nous braquons ensuite les projecteurs sur Urban.brussels, la toute nouvelle administration régionale chargée de l’urbanisme et du patrimoine.

Toutes ces réformes ont-elles bénéficié à la transparence et à l’ouverture ? Dans sa carte blanche, Kristiaan Borret, bouwmeester – maître architecte, donne un coup de semonce et nous livre un plaidoyer radical en faveur de plus d’ouverture et de débat.

“Bruxelles est vraiment une jungle d’acteurs de plans et de législations, il faut s’accrocher pour trouver son chemin. Paris, par exemple, est plus grand mais les choses y sont beaucoup plus simples : l’administration de l’urbanisme de tout Paris se concentre au sein d’un seul acteur, l’APUR.” (Collectif citoyen Green Connections dans un entretien avec BRAL)

Cette lasagne de nouvelles instances (régionales et communales) et d’instruments (contrats de quartier, contrats de rénovation urbaine, PAD, etc.) est-elle facile à digérer pour le Bruxellois ? Pour le découvrir, ne manquez pas de lire l’interview de Green Connections. Les membres de ce collectif citoyen ont frappé à presque toutes les portes pour poser des questions sur leur boulevard, le Poincaré, obtenant ainsi une meilleure idée des plans prévus. Efficace mais franchement épuisant.

Tandis que de nombreux projets traînent depuis des années, plusieurs administrations optent pour l’occupation temporaire de certains sites en attendant leur réaffectation définitive. Qu’en penser ? Devons-nous dire « Tant mieux, il y a toujours plus de personnes et d’initiatives qui apprécient cet aspect temporaire » ? Ou faut-il craindre qu’il y ait anguille sous roche, ou plutôt sous béton ? Petit bilan par notre reporter sur place.

Nous sommes un mouvement urbain qui se bat en faveur de Bruxelles et c’est à ce titre que nous tapons une deuxième fois sur le même clou. Notre ville mérite d’être correctement planifiée. C’est d’ailleurs indispensable si nous voulons devenir la ville dont nous rêvons : une ville dont les habitants peuvent se loger à un prix raisonnable, dans des endroits bien desservis par les transports en commun et équipés de pistes cyclables en bon état. Une ville qui prévoit de la place pour le logement bien sûr, mais aussi pour les activités de production et la nature. Pour la conclusion, notre choix s’est porté sur Bas Smets. Avec nous, il rêve de rendre au paysage, à l’eau et au sous-sol la place qu’ils méritent dans la planification bruxelloise.

Bonne lecture !

BRAL, automne 2018

 

[1] Indépendamment de cette question, les articles de BXL Plant 1 conservent toute leur pertinence.

 

Plus de 150 concours sans appel. Plus de 150 marchés publics pour des projets d’aménagement de l’espace, principalement dans le cadre de la loi relative aux marchés publics. Plus de 150 : pour des architectes, des bureaux d’études, des promoteurs ou des entrepreneurs. De la décoration d’un magasin à la vente d’un terrain pour 100 appartements en passant par un nouvel hôpital de 250.000.000 d’euros dans le cadre du Design & Build.

J’ai plus de 150 concours à mon actif du temps où j’étais le bouwmeetser d’Anvers, et aucun n’a débouché sur un procès. Qui plus est, les aspects juridiques de l’urbanisme n’ont jamais constitué un thème de discussion pressant.

Jusqu’à ce que je prenne mes fonctions à Bruxelles…

L’urbanisme, une question juridique

J’occupe le poste de maître architecte de Bruxelles depuis 2015. J’ai vite compris que dans cette ville, d’autres « maîtres » sont actifs dans le domaine du développement urbain. Maître X, maître Y, maître Z, ce sont les avocats bruxellois spécialisés dans la législation en matière d’aménagement du territoire ou de marchés publics et qui assistent ces messieurs les constructeurs dans leurs projets. Même dans les cabinets ministériels, l’urbanisme est dans une large mesure assimilé à une question juridique. Jusqu’aux directeurs des services publics, des agences et des sociétés immobilières de service public qui sont presque tous juristes de formation. En un mot, le développement urbain à Bruxelles est judiciarisé.

Comment nous en sommes arrivés là, je l’ignore. Ce que je sais, c’est que dans les autres endroits où j’ai travaillé, ce n’est pas le cas. Que ce soit en Flandre, à Nantes ou à Amsterdam, je n’ai jamais été confronté à un tel degré de judiciarisation dans la pratique du développement urbain.

J’ai découvert (une nouveauté pour moi !) qu’à Bruxelles, les discussions sur un projet immobilier réunissent non seulement l’architecte et le promoteur, mais aussi le conseiller juridique autour de la table. Quelle tristesse que d’entendre un architecte qui laisse de côté l’architecture (lumière ! air ! espace ! urbanisme !) pour parler la langue du commanditaire (« avec votre ambition, notre projet n’est pas rentable ») ou endosse le rôle de l’avocat en analysant avec soin les marges juridiques en cas de modification tardive du projet. Ces éléments nuisent peut-être à la qualité de mon bâtiment, mais si j’agis de cette manière, j’évite l’obligation d’organiser une nouvelle enquête publique, non ?

Et malheureusement, de l’autre côté de la table, les pouvoirs publics ou les associations citoyennes n’hésitent pas à se lancer dans des arguties juridiques pour mener le débat, au lieu de s’en tenir au contenu. Heureusement, un nombre croissant d’administrations, d’organisations, de maîtres d’ouvrage, d’architectes et de juristes s’intéressent à l’esprit new school et à une approche optimiste, et se focalisent avant tout à la qualité et à la vision à long terme.

Revenons à ce palmarès de 150 concours vierges de tout litige. Depuis 2015, ce sont plus de 100 concours qui sont venus s’y ajouter, ce qui porte le total actuel à quelque 250 dossiers, encadrés d’une manière ou d’une autre par une équipe du bouwmeester dont je fais partie. À l’exception de quelques cas limites, notre réputation est restée sans tache. Il y a par exemple eu un architecte qui était persuadé qu’un de ses confrères avait été sélectionné indûment, mais il a été débouté par le tribunal. Et récemment, un intervenant a estimé que sa cotation ne correspondait pas à la teneur du texte dans la motivation de cette cotation.

Et puis, en 2018 sont arrivées les procédures pour le Kaaitheater et la Silver Tower, deux dossiers dans lesquels le maître architecte n’était pas impliqué. Le Conseil d’État a condamné le déroulement des deux procédures, l’une concernant les travaux de transformation du Kaaitheater et l’autre, le choix de la Silver Tower comme siège du ministère de la Région. Dans les deux cas, l’écueil réel était un élément tout à fait secondaire que des avocats triomphants avaient sorti de leur manche, une pure pirouette juridique. Ce qui à mes yeux reste le véritable ressort de ces procès, c’est une sorte de méfiance dépitée de la part des perdants, qui ont le sentiment que la partie n’a pas été jouée avec fair-play. Si tout s’était déroulé avec plus de professionnalisme et de transparence, il n’y aurait jamais eu de procès, j’en suis sûr.

 

Ouvrir les portes fermées

Partant, je plaide en faveur d’un changement de paradigme en matière de gouvernance : il faut passer d’un régime de la peur-d’un-appel à une approche ouverte et transparente, de « l’amour du secret » au « rien à cacher ». Jamais je n’ai vu une politique à ce point conditionnée par la crainte d’un procès, et pourtant je ne connais pas d’autre ville où il y en a autant qu’à Bruxelles. Serait-il dès lors audacieux de ma part d’affirmer que la méthode actuelle étant un échec, nous ferions aussi bien de tester une autre approche ?

De notre côté, nous essayons d’appliquer cette approche. Avec l’équipe bouwmeester maître architecte, nous avons formulé des recommandations concernant ce que nous estimons être un déroulement équitable des adjudications. Depuis quelques mois, nous publions au terme de chaque concours une fact sheet sur notre site internet, avec des photos du projet gagnant et de ceux qui ont été éliminés, de manière à soumettre à votre jugement la décision du jury. Nous voulons également ouvrir les présentations au jury afin que tous les finalistes puissent avoir connaissance des projets de leurs concurrents. Cette démarche les aide souvent à accepter que le gagnant était meilleur, elle démontre en tout cas que le jury ne craint pas la publicité des séances. Nous ne pensons pas qu’une transparence aussi « téméraire » implique des risques de contestations juridiques (contre lesquelles nous mettent en garde les juristes) mais favorise le contraire : un climat détendu d’ouverture permettant à toutes les parties prenantes de se convaincre de l’intégrité pratiquée dans l’approche d’un concours et qui en l’absence de soupçons, n’envisageront même pas d’entamer un procès.

Il en va de même pour d’autres aspects du développement urbain. À Bruxelles, il y a habituellement d’innombrables discussions sur un projet pour lequel une demande de permis est en cours. Il s’agit généralement de rencontres bilatérales et parfois aussi d’entretiens dans les coulisses. Maître d’ouvrage, promoteur, architecte, commune, cabinet de l’aménagement du territoire, fonctionnaire délégué, maître architecte, ils se retrouvent tous dans des configurations variables pour parler d’une demande de permis de bâtir imminente en vue de huiler les rouages.

C’est pour cette raison que j’ai mis sur pied en 2015 la chambre de qualité, un instrument destiné à organiser correctement des échanges collectifs sur ce thème. Ces discussions coordonnées préparatoires à une demande de permis se sont aujourd’hui imposées dans la nouvelle législation (CoBAT) et permettent d’arriver de manière structurée à un point de vue partagé par toutes les instances publiques concernées.

Étapes suivantes

Ce que sont à mon avis les prochaines étapes dans une approche plus transparente du développement urbain à Bruxelles ? Des perfectionnements techniques mais ambitieux sont possibles. À l’instar du modèle néerlandais, la chambre de qualité pourrait notamment publier en ligne ses agendas, ses avis et ses comptes rendus. Ou encore l’idée d’un registre obligatoire pour tous les contacts avec les lobbyistes immobiliers ? La mesure paraît draconienne, mais pourquoi pas si elle permet de surmonter l’impression de dissimulation ?

À mes yeux, la principale étape reste cependant l’élargissement du débat à l’extérieur du monde interne de la concertation entre les divers acteurs publics et les porteurs de projet. En tant que maître architecte, j’œuvre en faveur de l’harmonisation entre public et privé, car elle bénéficie à la qualité des projets. Mais un bon projet doit aussi trouver un soutien du côté des Bruxellois. Il est par exemple regrettable que pour un projet urbanistique stratégique comme la dernière phase sur le site de la Cité administrative de l’État, la crainte inspirée par l’aspect juridique ait à nouveau bloqué toute communication ouverte vers l’extérieur. Dommage, car le nouveau plan a beaucoup de qualités. Or, il va peut-être tomber au champ d’honneur en raison d’une bagatelle juridique (ou autre), qui sera probablement l’expression d’une protestation parce que tout s’est passé à huis clos pendant si longtemps.

C’est une évidence pour la gouvernance de projets urbains complexes : si vous prenez la peine dès le début d’organiser une concertation précoce, vous gagnez du temps à la fin du trajet. La transparence tire avantage d’une communication ouverte, généralement elle suscite une plus grande confiance et un appui plus large, et c’est ainsi qu’on accélère le développement urbain tout en améliorant son efficacité. L’ouverture fait avancer.

Kristiaan Borret

25/11/2018

 

Ces dernières années, le gouvernement régional bruxellois donne un sérieux coup de balai dans le dédale d’agences et de ministères qui se marchent mutuellement sur les pieds. Des institutions ont été remaniées et de grandes ambitions ont vu le jour : des plans améliorés, une mise en œuvre efficace… Malheureusement, la collaboration reste difficile, même après cette réforme.

En 2016, une série d’organismes publics chargés des études et de la planification ont fusionné, donnant naissance à un nouvel et ambitieux Bureau bruxellois de la planification. L’enfant a été baptisé « perspective.brussels », « Perspective » en abrégé. Cette toute jeune administration a reçu entre autres missions celle de préparer des plans destinés à piloter le développement des zones stratégiques.

Le Gouvernement a, par ailleurs, constitué la Société d’aménagement urbain (SAU). Celle-ci est chargée de la mise en œuvre opérationnelle d’un grand nombre de ces plans. Ensemble, ces deux entités forment la Plateforme Territoriale. Pour symboliser cette collaboration, elles devaient occuper un même bâtiment, mais ce projet est tombé à l’eau. Dommage, car une proximité physique améliore les contacts. Heureusement, elles ont finalement été installées dans la même rue. Leur personnel ne doit donc plus courir trop loin.

On demande un intendant

L’expérience acquise au fil des ans nous enseigne que Perspective et la SAU restent deux univers séparés. Le passage d’un dossier d’un service à l’autre ne se fait pas toujours sans heurt. Il y a un énorme bagage de connaissances à transmettre et il arrive qu’un savoir-faire se perde. Nous voyons également - sans surprise - que la logique opérationnelle l’emporte une fois qu’un dossier arrive à la SAU. Or, tant la planification que la mise en œuvre exigent une régie de projet forte. L’un des prédécesseurs de Perspective, l’Agence de Développement Territorial, avait déjà acquis une certaine habitude dans le regroupement de partenaires autour d’une initiative. La SAU a des antécédents totalement différents et se situe davantage dans l’approche « parler moins et agir plus». Mais la réalisation de projets urbains complexes - et à Bruxelles, ils le sont presque tous - exige, elle aussi, des compétences qui ont trait principalement à la régie et à la coordination. Le choix du vocabulaire en dit déjà long : à l’heure actuelle, Perspective et la SAU parlent de « responsables de projet ». Or, le terme « régisseur » recouvre mieux la réalité de terrain.

Mais il y a moyen d’aller plus loin encore : dans l’idéal, le régisseur d’un projet chez Perspective passerait simplement à la SAU pour garantir la continuité. Dans l’idée que le responsable assure le suivi du projet de A à Z, nous pensons que cette personne pourrait porter le titre d’« intendant ». Cette description de la fonction et la méthode de travail correspondante placeraient les intendants dans la position de l’araignée au centre de la toile. Une toile qui englobe non seulement Perspective et la SAU, mais aussi la totalité des services et structures nécessaires pour développer une ville (ou un quartier). Dont Bruxelles Environnement et Bruxelles Mobilité. C’est ensemble qu’ils pourront former une véritable équipe de projet.

Un mandat clair, s’il vous plaît

Au début des réformes, les cellules chargées de la planification territoriale stratégique au sein de Bruxelles Mobilité et de Bruxelles Environnement ainsi que de la STIB, la société de transport public, devaient elles aussi faire partie de Perspective. Cette dernière aurait alors disposé d’une belle force de frappe pour ses plans ! Mais les choses ont tourné autrement. Probablement parce que si, à l’origine, Perspective devait « être au service de tous les membres du Gouvernement et entretenir des rapports directs avec les ministres fonctionnellement compétents »[1], dans la réalité, elle est soumise uniquement « à l’autorité hiérarchique du ministre en charge de l’aménagement du territoire et de la statistique »[2]. Dans le cas présent, il est aussi le ministre-président. Bref, une seule et même personne va concentrer énormément de pouvoir. Ce qui met un frein à l’idée que Perspective constitue le service de planification centralisée de tout le gouvernement. À titre de comparaison, sachez qu’au conseil d’administration de l’ex-Agence de Développement Territorial siégeaient des représentants de tous les ministres. Ces Excellences étaient donc tenues au courant dès le début, ce qui permettait de perdre moins de temps sur des projets qui ne bénéficiaient d’aucun soutien politique.

L’exception est la règle dans la politique d’octroi des permis

Dans la nouvelle constellation aussi, Perspective et les services de planification d’autres ministères ou agences sont condamnés à collaborer. Ils y mettent assurément de la bonne volonté. Dans le cadre de l’élaboration d’un Plan directeur pour une zone stratégique, Perspective convoque un comité d’accompagnement élargi dans lequel sont représentés les autres services publics concernés. Mais ceux-ci doivent évidemment pouvoir y consacrer du temps et avoir un mandat clair pour s’engager dans un projet. C’est là que le bât blesse. Aujourd’hui, il arrive trop souvent que le processus démarre chez Perspective et le ministre compétent. Les autres n’ont plus qu’à prendre le train en marche, pour un projet qui n’est pas nécessairement le leur.

La solution pragmatique existe déjà

Et la bête a même un nom : « Comité régional pour le développement territorial » (CRDT). Ce comité devrait veiller à une bonne collaboration entre les administrations en matière de planification territoriale. Il se compose de Perspective, de Bruxelles Environnement et de Bruxelles Mobilité, de la STIB, de Bruxelles Propreté et de Urban.brussels. Mais à l’instar de la plateforme de concertation entre la Flandre, Bruxelles et la Wallonie, il s’agit d’une coquille vide. Voici notre avis : activez ce levier ! Il permet de discuter au niveau le plus élevé des dossiers qui exigent une collaboration. Ce comité est en mesure de mettre sur pied de véritables équipes de projet, qui transcendent les administrations. Il pourrait à tout le moins estimer l’investissement en temps, tandis que les personnes chargées d’effectuer le travail recevraient un mandat clair de leurs supérieurs administratifs et politiques. En d’autres termes, il devrait fonctionner de manière proactive et anticiper les problèmes. Histoire de ne pas gaspiller trop de temps à éteindre les incendies.

Steyn Van Assche

[1] Extrait de la déclaration du gouvernement

[2] Extrait de l’acte de fondation de Perspective tel qu’il est paru au Moniteur belge

Tel est le nouveau nom, plutôt flashy, de « Bruxelles Urbanisme et Patrimoine ». Depuis le 1er avril 2017 (n’y voyez aucune blague), cette administration exerce les compétences relatives à l’urbanisme, au patrimoine et à la rénovation urbaine anciennement dévolues à « Bruxelles Développement urbain » (voir infographie). Tout comme Perspective, elle est placée sous la tutelle directe du ministre-président.

L’autre successeur de Bruxelles Urbanisme et Patrimoine, l’administration « Bruxelles Logement », doit se contenter des compétences en matière de logement. Contrairement aux précédentes réformes, il n’y a pas eu de fusion entre services au prétexte d’une meilleure gouvernance, c’est en fait une institution supplémentaire qui a vu le jour. Avec un petit relent de politique de force à l’ancienne.

Urban.brussels constitue clairement la troisième grosse branche de notre nouvel arbre de planification, après Perspective et la Société d’Aménagement Urbain. Elle est peut-être moins sexy mais tout aussi importante. Elle délivre en effet des permis et intervient dans le choix des affectations des charges d’urbanisme, une sorte de taxe sur les nuisances qu’un projet occasionne à un quartier

Les compétences de Perspective.Brussels et de Urban.Brussels sont étroitement imbriquées. Lorsque Perspective élabore des plans pour piloter le développement d’une zone, Urban.brussels doit participer à leur mise en pratique. Ce qui suppose que les permis et les charges d’urbanisme proprement dits suivent la vision de ce plan. La politique de rénovation urbaine, et donc les contrats correspondants, ainsi que les Plans d’aménagement directeurs pour les zones stratégiques sont eux aussi étroitement liés. Une bonne collaboration entre Perspective et Urban.Brussels revêt dès lors une grande importance. Mais vous l’avez deviné : cette collaboration ne va pas toujours comme sur des roulettes. Il faut préciser que rien n’est dit sur la manière dont ces services doivent coopérer. En tant que successeur de l’administration qui délivrait les permis, Urban.brussels a l’habitude de travailler en toute indépendance et de négocier de son côté avec les promoteurs qui en demandent un. Ce point se révèle crucial, car un très grand nombre de promoteurs dérogent aux règles et sollicitent une exception suivant le procédé bruxellois bien connu : il faut réclamer plus que ce qui est autorisé et négocier avec l’administration pour arriver dans la plupart des cas à un résultat qui se situe quelque part entre les deux. Dans le domaine des charges d’urbanisme, pour lesquelles des décisions sont souvent prises en concertation avec Urban.brussels, nous observons le même mécanisme : des règles floues et du marchandage.

Un exemple douloureux de ce qu’il ne faut pas faire nous a été donné à Tour et Taxis. Le schéma directeur de cette zone emblématique prévoyait des logements abordables, dont la construction devrait être financée par les charges d’urbanisme. Quod non. Ces charges sont maintenant destinées à aménager entre autres des rues et un escalier. Des équipements utiles, cela va sans dire, mais réalisés aux dépens de la diversité du parc de logements à Tour et Taxis. 

Il y a donc une certaine tension entre la logique pragmatique, fonctionnant au cas par cas, qu’applique Urban.brussels pour délivrer les permis et l’approche méthodique, zone par zone, de Perspective.Brussels.

Steyn Van Assche

 

Ces messieurs sont les tout nouveaux directeurs de Perspective.Brussels et de la Société d’aménagement urbain. Nous les avions interviewés au lancement de « leur » service et avions consigné les bonnes résolutions ci-dessous. Deux ans, c’est un peu court pour les juger, mais faisons tout de même une tentative de distribution de smileys à chacune de ces résolutions. Une chose est claire : il y a encore du pain sur la planche ! (Voir article annexe)

  • Améliorer l’efficacité de la planification et de la réalisation :-I
  • Travailler avec différentes administrations, assurer la continuité entre les plans et la mise en œuvre :-I
  • Organiser une concertation préalable, non seulement avec les autres instances publiques et les promoteurs, mais aussi avec les riverains :-(
  • Préserver le caractère public des terrains détenus par les pouvoirs publics :-I
  • Veiller au maintien des activités de production :-)

Avant la création de ces deux instances, tout n’était pas rose pour l’aménagement du territoire à Bruxelles. Malheureusement, il n’y a eu que peu, voire pas d’amélioration depuis. Et nous pesons nos mots. Pour commencer, il y avait avant une plus grande ouverture concernant l’implication des Bruxellois dans l’élaboration des plans. Et nous nous demandons s’il n’y aurait pas un léger recul dans le domaine de la collaboration. L’Agence de développement territorial s’en sortait parfois mieux en tant que chef d’orchestre des services publics. Le point positif, c’est qu’aujourd’hui, le maintien d’activités de production au sein de la ville bénéficie d’une attention accrue.

Nous avons également analysé l’évolution de Urban.Brussels ainsi que son rôle dans le système. Il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan de son fonctionnement.

Nous savons que des réformes de ce type doivent toujours surmonter une série de maladies de jeunesse, mais il apparaît clairement que tous les services doivent mettre le paquet pour réaliser les ambitions et les objectifs à l’origine de toutes ces réformes. À défaut, elles fonceront droit dans le mur. C’est à ça que sert un rapport intermédiaire : éviter ce mur !

Partout en ville, vous pouvez aller manger un couscous ou assister à des concerts dans des bâtiments où la peinture s’écaille des murs et où le chauffage central brille par son absence. Les communes et la Région ouvrent grand les portes de toutes sortes d’immeubles et de terrains inoccupés aux acteurs qui leur donnent une destination provisoire. Quels sont les opportunités et les défis de l’utilisation temporaire en tant qu’instrument de planification ?

Octobre 2018. Quelques dizaines de Bruxellois déambulent dans les casernes abandonnées de la gendarmerie à Ixelles. Petit retour en arrière. Les bureaux et les dossiers de ce corps d’armée ont été laissés à la disposition du premier venu. Les cibles de tir à forme humaine pendent au mur, criblées d’impacts. Mais bientôt, ce sont peut-être des start-up branchées et tendance qui occuperont ces lieux.

Cette incursion dans le domaine militaire s’inscrit dans le cadre d’une série de visites guidées, organisées par le BRAL et la Brussels Academy, sur des sites qui seront utilisés temporairement en attendant un projet de réaffectation.

Les pouvoirs publics accueillent avec empressement les projets d’utilisation temporaire

Il y a quelque temps déjà que BRAL remarque que les pouvoirs publics sont de plus en plus convaincus par les possibilités de l’utilisation temporaire pour la ville. Après leur expérience à l’Allee du Kaai, la Région et Bruxelles Environnement prévoient aujourd’hui un parc et des logements en évolution autour de la Gare de l’Ouest. Le tout devant jeter les bases de l’affectation finale du site.

Les communes découvrent à leur tour la plus-value de l’occupation temporaire. Des projets à orientation socioculturelle de ce type sont déjà en cours dans plusieurs contrats de quartier. Notre visite au projet Studio CityGate à Anderlecht montre par exemple que cette approche peut constituer une solution à la pénurie d’ateliers abordables pour les artistes dans la ville. La semaine suivante, nous nous rendons à La Serre à Ixelles, un projet de l’ASBL Communa dans le cadre du contrat de quartier « Maelbeek ». Ursula Adelsdorfer (chef de projet à la commune d’Ixelles), responsable de La Serre, confirme qu’elle est en dialogue avec d’autres communes bruxelloises. Celles-ci s’intéressent elles aussi au concept d’utilisation temporaire.

Mais ce n’est que l’été dernier que la stratégie destinée à l’intégrer dans l’urbanisme bruxellois a acquis une véritable visibilité. Lors d’une interview donnée au Soir, Benjamin Cadranel, directeur de citydev, et Gilles Delforge, directeur de la Société d’aménagement urbain, insistent sur l’intérêt de « ce type de projets » pour les grands sites bruxellois, en attendant leur réaffectation[1]. Par contre, ce qu’ils entendent par « ce type de projets » n’est pas clair. S’agit-il de projets destinés à des artistes et des artisans ou de projets où les sans-abris peuvent trouver à se loger ? Une personne qui plie des boîtes à pizza a-t-elle autant de probabilités d’occuper temporairement un espace qu’une start-up qui récupère des excédents alimentaires ou un créateur de mode ? D’ailleurs, les administrations s’enthousiasment-elles pour l’utilisation temporaire dans l’idée de s’en servir comme d’un instrument de planification évolutif ou s’agit-il plutôt d’un outil de marketing ? Si l’une a l’intention de l’utiliser à des fins de planification, l’autre, qui octroie les permis, va-t-elle la suivre ?

Exclusion tendance et branchée

Nous voyons petit à petit arriver sur le marché des entreprises qui se spécialisent dans la gestion temporaire de biens immobiliers. La coordination de l’occupation temporaire des casernes d’Ixelles a été attribuée dans le cadre d’un marché public (SAU) à Creatis, un incubateur pour entreprises du secteur culturel et créatif. Peu avant, l’occupation temporaire de l’ancien bâtiment Actiris sur la place de la Bourse a été confiée à Entrakt, une entreprise spécialisée dans la gestion temporaire de biens vacants. Cet acteur à orientation plutôt commerciale s’était déjà vu attribuer le projet CityGate par l’institution pararégionale citydev.

Les situations ci-dessus illustrent-elles la vision de la Région et des communes sur l’avenir de l’utilisation temporaire et de l’urbanisme à Bruxelles ? Lors du débat « Dilemmes pour la démocratie »[2] que le BRAL a organisé en mai avec Crosstalks, Thomas Dawance, ex-président de l’ASBL Woningen123Logements, nous mettait déjà en garde contre les dangers liés à une planification top-down de l’utilisation temporaire. La commercialisation et la logique administrative sont difficilement conciliables avec l’inclusion et la capacitation qui vont de pair avec des occupations par des collectifs citoyens. Plusieurs groupes sont oubliés dans la nouvelle fournée de projets. La liberté d’expérimenter, qui caractérise précisément les projets temporaires, risque de fondre comme neige au soleil en raison d’une trop grande institutionnalisation. L’utilisation temporaire institutionnalisée nuit à la diversité. Si les pouvoirs publics s’approprient malgré tout l’utilisation temporaire à titre d’instrument de planification, ils doivent aussi veiller à la formaliser de manière équilibrée et inclusive.

Pour le projet de logement collectif 123 à la rue Royale, cette recommandation arrive trop tard. Ce bâtiment, une institution bruxelloise, a dû fermer. Après dix ans de présence, une soixantaine de personnes ont été forcées de se chercher un nouveau toit. Un projet d’habitat collectif soigneusement élaboré, qui avait des relations bien établies avec le quartier, est ainsi anéanti.

L’Italie comme source d’inspiration

« Une vision commune, s’il vous plaît », s’accorde-t-on à dire lors du débat de clôture de notre collaboration avec la Brussels Academy à l’Allee du Kaai. Mais comment ? Au printemps est sorti « Leegstond », un livre de l’ASBL Toestand. Il s’agit d’un manuel pour utiliser un espace vacant qui se base sur l’expérience pratique et le travail de recherche en lien avec les immeubles inoccupés dans toute la Belgique. À l’automne, le maître architecte de Bruxelles et Perspective.brussels ont lancé un site internet destiné à mieux faire connaître la législation urbanistique et le cadre planologique relatifs à l’utilisation temporaire à Bruxelles. Depuis quelque temps, les chercheurs expriment leur volonté de mettre sur pied une base de données commune des paysages en attente ainsi qu’un « guichet temporaire » qui faciliterait les contacts entre les propriétaires de bâtiments ou terrains vacants et toute une série d’utilisateurs temporaires ou d’organisations.

L’ambition de clarifier la situation tant pour les pouvoirs publics que pour le citoyen est bien là, semble-t-il. Une étroite collaboration entre les administrations, les travailleurs de terrain professionnalisés et les citoyens s’impose dès lors en vue de tirer pleinement parti du potentiel de l’utilisation temporaire dans la planification urbaine. À titre d’inspiration, tournons-nous vers l’Italie, où ces dernières années, les pouvoirs publics, la société civile et les citoyens enregistrent ensemble quelques belles réalisations.

La ville de Bologne (Italie) a ainsi validé en 2014 un règlement qui sert de cadre général pour les commons. Au sein de ce cadre, les citoyens, à titre individuel ou en groupe, peuvent soumettre des propositions pour des projets qui sont développés spontanément et avec la participation bénévole des parties concernées. Le règlement permet par ailleurs de mettre des compétences, des moyens et de l’énergie à la disposition des projets, en fonction du bien commun. Ces projets sont encadrés par le règlement au moyen d’une série de conventions spécifiques, baptisées Collaborations Pacts, dans lesquelles les citoyens et l’administration publique acceptent les conditions de leur collaboration en vue de protéger ces commons.

Vers une ordonnance bruxelloise pour les commons ?

La valeur de la « Bologna Regulation » réside dans la mise en place d’un cadre juridique pour les activités et projets qui par le passé prenaient forme spontanément dans la ville, souvent en dehors du conseil municipal et parfois même en conflit avec la réglementation en vigueur. Cette approche fait école en Italie. L’une après l’autre, les villes du pays adoptent la réglementation. Turin entend même aller plus loin encore. Elle recherche actuellement un moyen de traiter comme des commons urbains des bâtiments et terrains où les intérêts en jeu en termes de propriété, de gestion et de valeur économique sont plus importants.

Quand Bruxelles va-t-elle se doter d’un texte réglementaire qui assouplira la collaboration entre les pouvoirs publics, les associations et les groupes de riverains ? Le moment est venu de mettre sur pied un cadre qui renforce le contrôle démocratique sur le domaine public urbain et qui facilite les activités économiques, sociales et culturelles de bas en haut, sans les soumettre à une logique commerciale. Un cadre qui ouvre des opportunités non seulement aux personnes qui s’y retrouvent facilement dans les dossiers d’adjudication, mais aussi à celles qui exigent une autre approche.

Toha De Brant

 

[1]Les Occupations temporaires s’inscrivent dans la durée, Le Soir, mardi 24 juillet 2018

[2]https://bral.brussels/nl/artikel/conflict-consensus-een-dilemma-voor-de…

Green Connections est un collectif d’habitants qui se bat pour des connections vertes entre les communes de Bruxelles et d’Anderlecht. Leur chemin au travers de la jungle des projets et acteurs bruxellois illustre bien à quel point Bruxelles est Absurdistan. Goedele, Astrid et Steven nous racontent comment les autorités elles-mêmes ont finalement choisi d’appliquer de l’urbanisme guérilla pour remédier à l’échec du Contrat de Rénovation Urbaine, prévue pour relier des quartiers ensemble.

L’histoire de Green Connections commence en 2013. Le quartier Poincaré-Aviation à Anderlecht n’est alors pas tout à fait connu pour ces espaces habitables et de qualité ou pour ces espaces vert.

Goedele : Il n’y avait aucune piste cyclable sur le boulevard. Le cabinet Grouwels souhaitait en créer une à partir d’une des trois bandes de circulation alors qu’ Els Ampe s’y opposait et les travaux n’obtenaient pas l’accord de la police. Au final, nous avons eu l’impression que Grouwels elle-même est venue peindre la piste cyclable pendant la nuit : soudain, un beau matin elle était peinte (rire) ! Bruxelles est une grande jungle, mais elle est aussi pleine de surprises, et parfois ce sont des opportunités qui surgissent inopinément. Ici ce sont les autorités elles-mêmes qui se sont adonnées à de l’urbanisme guérilla[1] !

Mais le vrai début de Green Connections, c’était en 2017…

Goedele : Oui. La Région avait décidé de faire un Contrat de Rénovation Urbaine (CRU) autour du quartier Heyvaert et jusqu’au boulevard Poincaré. Vu l’ambition de ces nouveaux contrats de créer des liens entre les quartiers, nous étions contents. Mais nous avons vite déchanté en voyant l’absence quasi-totale d’ambitions pour là où justement le périmètre du CRU se dessine comme une fracture : le boulevard Poincaré. Il s’agissait tout au plus d’y créer des puits de lumière pour la petite Senne en souterrain, et de confirmer la vocation de la berme centrale comme parking pour la ville de Bruxelles ! À la commission de concertation, des habitants et des hôteliers se sont alors exprimés pour demander plus d’espaces publics de qualité et de vert, moins ou pas de parkings sur la berme centrale et une meilleure connexion piétonne transversale entre les quartiers et vers des pôles comme la Porte de Halle, le futur parc Porte de Ninove et le musée MIMA.

Astrid : Leur projet ne reflétait donc en rien les attentes des riverains. C’est à ce moment que notre groupe est né, autour d’un projet alternatif rassemblant nos connaissances et nos idées et qui tombait sous le sens : « green connections ».

Steven : Depuis l’époque des murs d’enceinte du XIVème siècle, le boulevard qui les remplace est une frontière qui empêche tout lien avec les quartiers autours, mais aussi avec le canal. Depuis les choses avançaient ailleurs sur la petite ceinture, comme à la porte de Hal, celle de Ninove, ou à Yser avec le Centre Pompidou - KANAL, mais ici, tout restait encore à faire. Malgré le potentiel immense, malgré l’attente des riverains et malgré ce nouveau CRU, rien n’avait été prévu ! Notre projet et nos idées veulent tout simplement répondre à ce manque en proposant tout un climat autour de connexions vertes, où plein de gens viendraient pour jouer, profiter, traverser,…

Nous avions commencé par faire un diagnostic, avec notamment un inventaire des espaces verts à deux kilomètres à la ronde. Il n’y en avait aucun, excepté quelques toutes petites zones, mais ces petites zones sont elles-mêmes actuellement compromises.

Et qu’est-il arrivé ensuite ?

Astrid : C’est là que nous avons commencé à bouger. Des fêtes de quartier ont été organisées sur la berme avec le comité de la Porte d’Anderlecht en face sur le Boulevard, qui a aussi réalisé une enquête pour collecter les attentes des riverains. Le comité Triangle 1070 au niveau du square de l’Aviation a aussi réalisé une enquête pour connaître l’avis des riverains. Et Bye Bye Petite Ceinture a organisé des ateliers pour imaginer ce que donnerait un avenir qui détrônerait la voiture.

Goedele : Entretemps, il était clair que dans le cadre du CRU il n’y aurait pas l’attention et les moyens à la hauteur du défi pour la berme centrale.

(note de la rédaction) : En effet il s’est entretemps avéré qu’il n’y avait plus de poste prévu pour Poincaré dans les budgets officiels du CRU approuvé en décembre 2017. Le gouvernement semble du coup avoir choisi de simplement retirer du programme du CRU cette fracture importante du paysage et d’aborder son réaménagement d’une autre manière.

Geodele : Pascal Smet a donc annoncé qu’il y aurait d’abord des aménagements temporaires participatifs, puis qu’il lancerait un concours avant les élections pour concevoir un aménagement définitif. Quel échec pour les CRU dont l’ambition est justement de relier des quartiers ensemble ! Bruxelles est vraiment une jungle d’acteurs de plans et de législations. Il faut s’accrocher pour trouver son chemin. Paris par exemple est plus grand mais les choses y sont beaucoup plus simples : l’administration de l’urbanisme de tout Paris se concentre au sein d’un seul acteur, l’APUR (Atelier Parisien d’URbanisme).

Astrid/Goedele/Steven : C’est vrai, on ne sait jamais à qui s’adresser. Opérateurs et cabinets régionaux, communes de Bruxelles-Ville et Anderlecht …Nous avons décidé de frapper à TOUTES les portes, et encore fallait-il savoir où elles étaient ! Pas à pas, par bouche à oreille, il nous a fallu faire notre chemin pour tomber sur les personnes compétentes. Maintenant, nous savons enfin plus ou moins qui se trouve derrière ces portes. Mais comment font ceux qui n’ont pas ce réseau ?

Goedele : Le contact n’était pas toujours facile auprès des acteurs : Bruxelles Environnement et la STIB n’ont par exemple pas répondu à nos demandes. Au final nous avions dépensé beaucoup d’énergie, le groupe s’est essoufflé. Et cet été les bruits de la foire du Midi aux allures de parc d’attraction n’ont pas aidé ! Nous ne sommes pas contre l’idée d’une foire, mais alors une foire à échelle humaine, qui s’ouvre mieux aux quartiers environnants plutôt que de leur tourner le dos avec une façade aveugle, et compatible avec un meilleur aménagement de la berme centrale.

Mais aujourd’hui, vous semblez avoir un regain d’énergie?

Goedele : Oui, depuis cette fin d’été, les choses bougent enfin. Le bureau WAUW (Workshops d’Architectu(u)r(e) & Urbanisme Workshops), désigné par Bruxelles Mobilité pour faire de la participation autour d’aménagements temporaires, a organisé des ateliers, où sans surprise, l’on voit que les participants veulent un aménagement avec moins de voitures et plus de vert ou de récréatif. Puis le ministre de la mobilité a improvisé un aménagement, cette fois-ci deux jours avant le dimanche sans voitures, 40% des parkings ont été enlevés pour y installer une « promenade du peuple » ! Si l’on doit passer par du temporaire, soit, au moins ça avance !

Steven : L’idée de Bruxelles Mobilité est en fait de créer des aménagements temporaires cette année autour de 3 zones situées entre la porte d’Anderlecht et la gare du midi. Pourquoi avoir choisi ces trois zones là ? Nous espérons tout de même que l’ambition de la Région va plus loin car c’est tout le boulevard qui doit être repensé, et si possible de façade à façade.

Goedele : Les choses avancent, mais il reste beaucoup d’inconnues, à commencer par le résultat des élections régionales : le futur ministre de la mobilité donnera-t-il suite au projet actuel ? Un auteur de projet devrait être sélectionné encore début 2019 pour concevoir un aménagement définitif. Va-t-il être à la hauteur des ambitions des riverains ? Et les autorités seront-elles prêtes à retirer les parkings restants ?  Y a-t-il des alternatives et sont-elles assez connues ? Au travers des changements de législatures, et de tant de projets et cadres législatifs différents, du morcellement de l’aménagement en 3 zones, des besoins actuels d’une foire du midi hors échelle qui demande de faire table rase chaque été de tout mobilier et aménagement, c’est la pérennité et cohérence du projet qui est en jeu.

Astrid : Nous ne baissons pas les bras. Autour de nous les gens sentent qu’ils faut se bouger mais parmi les différents pouvoirs publics concernés, tout le monde n’est pas encore conscient des enjeux.

Goedele : C’est donc reparti, nous (re-)frappons à toutes les portes, écrivons des lettres, interpelons les élus pour mettre le projet à l’agenda politique et étoffer le programme des partis. Car c’est justement aujourd’hui que Green Connections doit continuer son action.

Marie Coûteaux

 

[1] L'urbanisme guérilla, ou urbanisme tactique, est une tendance récente en urbanisme qui propose des aménagements temporaires dans des espaces publics avec du mobilier ou des accessoires faciles à monter et démonter -plantation en pots, balançoires, fauteuils en palettes, marquage au sol … pour comprendre par l’expérience ce qu’un espace, un lieu nécessite…  C’est aussi un moyen pour des citoyens de se l’approprier lorsqu’il est délaissé.

C’est en faisant l’impasse sur toute participation préalable et toute vision finalisée sur le développement et la mobilité à Bruxelles que les pouvoirs publics ont lancé cet été 10 PAD, avec au menu des milliers de logements, d’équipements collectifs et d’espaces de travail. Nous nous penchons aujourd’hui sur ces super plans tout beaux tout neufs qui conditionneront l’aspect de quartiers entiers pendant des décennies.

Ces dernières années, les choses n’en sont pas restées aux grandes réformes des organisations qui s’occupent de la planification de notre ville. La méthode aussi a été remaniée en profondeur. L’élément le plus marquant est l’introduction du Plan d’aménagement directeur (PAD), Richtplan van Aanleg (RPA) en néerlandais. C’est cette première abréviation que nous emploierons désormais, notamment parce qu’elle sonne bien.

Le PAD était appelé à devenir le nouveau powertool pour le développement de tous les grands projets urbains (le quartier européen, la gare de l’Ouest, Josaphat et tutti quanti). Mais le moteur a des ratés. Autrement dit, la mise en production a été trop rapide.

Faux départ

En juin 2018, Perspective.brussels a organisé la semaine des Plans d’aménagement directeurs. Elle a présenté les notes de vision de dix PAD (rien que ça !) lors de diverses séances d’information. Cette brusque avalanche, nous la devons au fait que l’approbation de la nouvelle législation urbanistique (CoBAT) s’est longtemps fait attendre. Du fait de ce retard, dix de ces plans étaient déjà plus ou moins prêts. Le développement de la vision relative aux PAD (ainsi que le rapport d’incidences dans beaucoup de cas) était en fait terminé lorsque le législateur a donné le feu vert à ces PAD.

Au vu de tout ce dynamisme – pour une fois que les choses avancent à Bruxelles ! –, Perspective n’a pas attendu l’achèvement d’une série de plans transversaux importants. Si bien que les concepteurs des PAD ne se basent ni sur un Plan régional de développement durable (PRDD) ni sur un plan régional de mobilité. Vient ensuite une tentative de tout ficeler a posteriori au sein du PRDD finalement approuvé. Force est de constater l’absence de tout ordre logique, car la mobilité régionale et le développement durable sont des éléments clés dans l’aménagement de toutes les zones qui font l’objet d’un PAD. Tout a donc été fait à l’envers.

Pour compliquer encore la situation, un grand nombre de contrats de rénovation urbaine, un autre instrument politique relativement nouveau, ont été validés dans l’intervalle. Ces contrats relèvent de la responsabilité de Urban.brussels et accaparent une part importante des budgets de rénovation urbaine. Sans compter qu’une partie d’entre eux recoupent des zones couvertes par un PAD.

Le manque de participation et de transparence est frappant. Il n’y a eu aucune forme de consultation dans les contrats de rénovation urbaine (ou leur sélection). Et depuis les séances d’information organisées en juin, un silence complet règne au sujet des PAD. À l’époque déjà, il apparaissait clairement, de manière tout à fait navrante, que Perspective non plus ne savait pas ce qui devait se passer ensuite. Un problème imputable avant tout au principal changement, le volet légal.

Roi des règles

Les PAD non seulement esquissent la vision de l’avenir pour une zone spécifique (le volet stratégique), mais comportent aussi un volet légalement contraignant. Et une chose est claire : nul n’a réfléchi à l’avance au contenu de ce volet légal. Une réflexion qui n’est pourtant pas dénuée d’importance, car un PAD régit les plans et les règles. Il prime en effet, dans son champ d’application, toute autre réglementation sur ce qu’il est licite de faire en matière de construction. Il permettrait notamment de contourner l’obligation de modifier le Plan régional d’affectation pour pouvoir octroyer un permis en vue de construire un énorme paradis du shopping au Heysel. Préparez un PAD pour cette zone, prévoyez l’option shopping dans le volet légal, et hop, le tour est joué ! 

Un instrument aussi puissant doit donc être manié avec prudence. Nous savons qu’une ville doit pouvoir évoluer, mais il faut avoir un objectif clair et planifier correctement cette évolution. Se débarrasser d’une réglementation n’est possible qu’après une concertation et un débat poussés, et uniquement si de nouvelles règles plus claires la remplacent. Histoire de ne pas enrichir inutilement les cabinets d’avocats et d’éviter des discussions et des marchandages interminables autour de permis spécifiques.

La prudence est donc à l’ordre du jour. BRAL surveillera de près le contenu de ces volets réglementaires des PAD. Nous en profitons pour formuler quelques bons conseils à l’adresse des pouvoirs publics.

Ne vous fourvoyez pas

N’allez pas trop vite en besogne en développant toutes les zones en même temps ! Plusieurs gouvernements ont déjà échoué dans leur ambition d’entamer simultanément la presque totalité de leurs grands projets urbains. Toujours plus ou moins les mêmes, d’ailleurs. Une fois de plus, l’avenir de Bruxelles s’écrit en ce moment même, sur une machine à écrire qui doit encore faire ses preuves. Nous proposons de commencer par sélectionner une ou deux zones et d’essayer d’y mener les projets à bonne fin.

S’il vous plaît, n’oubliez pas la concertation

Planifier des milliers de logements, d’équipements collectifs et d’espaces de travail sans pouvoir s’appuyer sur le texte d’une vision détaillant ce vers quoi nous voulons aller et la façon dont nous voulons organiser notre mobilité ? Plutôt osé ! Une concertation poussée entre les administrations et les cabinets s’impose, pour faire concorder au moins le Plan régional de mobilité et les PAD.

Il faut aussi une concertation avec les riverains et les associations de cette ville. Et l’organiser à temps ! Aujourd’hui, le programme du PAD est établi et étudié en petit comité. Lorsqu’il passe à l’étape de l’enquête publique, il est trop tard pour un véritable débat.  

Prévoyez des logements sociaux

Les pouvoirs publics se montrent peu ambitieux sur la question des logements abordables. Nous aimerions beaucoup voir figurer un pourcentage fixe de logements sociaux dans tous les PAD. Les projets privés comptant plus de 1000 m² de logements pourraient facilement y affecter 15 % du total. Et à partir de 10.000 m², nous estimons que la barre pourrait être hissée à 25 %. 

Réfléchissez aux dommages et bénéfices de la planification

Au niveau de la fiscalité, les pouvoirs publics pourraient également faire preuve de plus d’ambition. Bruxelles doit de toute urgence s’atteler à un plan pour taxer les bénéfices de la planification spatiale. Une taxe sur ces bénéfices correspond à un impôt sur la plus-value que prend une parcelle après un changement d’affectation. C’est notamment le cas pour les réaffectations qui voient des terrains non constructibles transformés en zone résidentielle ou des tours de logements en zone de bureaux.

Un PAD permet tous ces changements. Un PAD peut modifier l’affectation du sol et, par exemple, autoriser la construction d’une tour à la place d’une maison. Si le propriétaire de cette maison vend ensuite son terrain, il touche la timbale, sans avoir rien fait pour mériter cette plus-value. Son gain découle uniquement d’une action des pouvoirs publics et revient dès lors à la communauté. Rien de plus logique donc si l’administration réclame au moins une partie de cette augmentation de capital. Il y a quelques siècles, des précurseurs du libéralisme comme Adam Smith et John Stuart Mill plaidaient déjà en faveur d’une taxation forte pour écrémer ce type de fortunes imméritées.

Lorsqu’un terrain perd de la valeur en conséquence d’une modification de la législation (il est alors question de dommages dus à la planification), les pouvoirs publics doivent en effet toujours indemniser le propriétaire. Ce qui constitue un autre argument en faveur de l’application du même principe dans la situation inverse. L’argent collecté par l’administration avec la taxation des bénéfices tirés de la planification pourrait ainsi servir à compenser les propriétaires qui dans une autre zone, se voient interdire de construire ou doivent réduire la voilure.

Cette taxation ne doit pas être confondue avec les charges d’urbanisme que nous connaissons aujourd’hui à Bruxelles. Il s’agit d’une intervention du promoteur immobilier dans les investissements que doivent consentir les pouvoirs publics pour gérer l’implantation d’un projet privé. Citons notamment les crèches qui doivent être construites pour accueillir tous les enfants qui arrivent dans un quartier.

D’autres informations sur les dommages et bénéfices résultant de la planification spatiale et sur les charges d’urbanisme dans l’interview met Griet Lievois.

Échelonnez la réglementation

Pour des zones de très grande taille comme Josaphat, il pourrait être utile de prévoir et d’introduire le volet réglementaire en plusieurs phases. C’est-à-dire l’appliquer à la partie de la zone où les travaux vont commencer dans un proche avenir et ensuite seulement, aux autres terrains qui ne seront mis en travaux que des années plus tard. Nous voulons éviter que les promoteurs considèrent comme acquis le droit de construire. S’il apparaît par la suite qu’ériger une tour d’habitation sur le site X n’est finalement pas une bonne idée alors que le propriétaire avait déjà planifié cette tour dans sa comptabilité, il devient difficile pour l’autorité qui délivre le permis de la lui refuser. Le promoteur risque de prétendre qu’il subit des dommages dus à la planification et de réclamer des indemnités aux pouvoirs publics. La situation autour de la gare du Midi, où la SNCB a déjà décidé unilatéralement de construire et de vendre un grand nombre de mètres carrés grâce au nouveau PAD, montre bien qu’il ne s’agit pas d’un fantasme.

Proposition du BRAL pour un processus de planification en plusieurs phases pour chaque PAS

1. Six mois pour la participation et la constitution d’une vision.

2. Une enquête publique sur la première note de vision, les incidences qui doivent être étudiées plus en détail et les alternatives.

3.  Finalisation du document par le bureau qui conçoit la vision et celui qui évalue les incidences.

4. Présentation publique de la vision la plus élaborée et définitive ainsi que du volet réglementaire correspondant (très important !) juste avant l’enquête publique afin que tout le monde soit correctement informé.

5. Enquête publique sur le projet de PAD.

6. Mise en œuvre progressive du PAD avec, après un certain laps de temps, une évaluation des premières étapes et le lancement éventuel du vol

La captation de plus-value ? Nous sommes pour à 100 % ! Mais en quoi consiste-t-elle exactement et comment l’appliquer efficacement ? Griet Lievois nous en dit plus. Elle est responsable de l’équipe Instruments pour Omgeving Vlaanderen. Et cette équipe planche actuellement sur une mise à jour de la réglementation relative aux plus-values urbanistiques. Une source d’inspiration pour Bruxelles ?

La captation de plus-value : qu’est-ce que c’est ?

Griet : La Flandre s’est déjà dotée d’une taxe de ce type, qui est perçue par le biais des impôts. Il s’agit d’une contribution sur la plus-value que prend une parcelle après un changement d’affectation. C’est notamment le cas lorsque des terrains non constructibles sont transformés en zone résidentielle, en zone d’activité économique ou en zone récréative. La plus-value supposée est estimée en fonction de la nature du changement. Elle est fixée pour chaque changement d’affectation et actualisée en temps opportun. Le montant total est réparti en une série de tranches, chacune étant soumise à un tarif spécifique qui va de 1 % sur la première tranche de 12.500 euros à 30 % sur la tranche au-delà de 500.000 euros. La somme de tous les montants à payer pour chaque tranche représente la taxe qui doit être versée.

La captation de plus-value est perçue uniquement lorsqu’il y a un « fait de départ ». Celui-ci correspond au moment où la plus-value se concrétise. Il peut s’agir d’une vente, d’un apport en société ou de l’obtention d’un permis.

Le Gouvernement flamand s’est doté de cette réglementation en partant du principe que si les pouvoirs publics doivent indemniser moins-values occasionnées suite à un plan d’aménagement, ils doivent aussi pouvoir réclamer une partie des bénéfices si ce même plan d’aménagement permet une nouvelle affectation qui augmente sensiblement la valeur d’un bien.

De 1 à 30 % de la plus-value, ce n’est pas énorme. Cette taxe permet-elle de récolter un montant suffisant pour couvrir les moins-values ? Quelle est la proportion entre les moins- et plus-values ?

Griet : Les moins-et plus-values résultant de la planification spatiale sont liés, car ils sont tous deux la conséquence d’un changement d’affectation. Pourtant, ces deux instruments diffèrent totalement.

Les indemnisations de moins-values compensent une future perte de valeur. Les captations de plus-value ne taxent qu’une petite partie de la plus-value et ne représentent donc qu’une récupération « partielle » de cette plus-value. Bénéfices perçus et indemnisations versées sont parfois sans commune mesure. Une situation souvent jugée déséquilibrée, comme en témoignent notamment plusieurs questions parlementaires. Pourtant, les deux instruments n’ont jamais été conçus dans l’idée de parvenir à un équilibre budgétaire.

Les procédures dans les deux domaines diffèrent aussi beaucoup. Aujourd’hui, une demande d’indemnisation de moins-value résultant de la planification spatiale passe par une procédure judiciaire (devant le tribunal de première instance). Les captations sont quant à elles perçues de manière relativement automatique par voie administrative par le biais du Vlaamse Belastingdienst (Service flamand des impôts).

Mais le système actuel est sur le point de changer.

Quels sont les principaux changements introduits par le nouveau « instrumentendecreet » (décret instruments) concernant les captations de plus-value ? Quel en est le calendrier ?

Griet : Ce décret apporte des changements importants au système existant pour les captations, notamment un élargissement de son assise, par le biais d’une perception des bénéfices résultant de la planification spatiale en cas de modifications spécifiques dans les prescriptions urbanistiques qui engendrent (ou peuvent engendrer) une plus-value. Il y aura par ailleurs une commission foncière indépendante qui calculera la plus-value supposée. Elle remplacera le décret actuel qui fonctionne avec des montants forfaitaires pour chaque type de réaffectation. Enfin, le taux maximal de perception de la taxe sur les bénéfices est passé de 30 à 50 %.

La ratification du décret ne se fera qu’une fois que le Parlement flamand l’aura adopté.

Ce système permet-il également de vendre des droits de construction ou de développement ?

Griet : Les conditions d’application et les procédures relatives aux bénéfices et aux dommages dus à la planification spatiale diffèrent, si bien que ces instruments ne peuvent pas vraiment être utilisés pour la vente de ce que nous appelons les « ontwikkelingsrechten » (droits de développement). Mais l’avant-projet de l’instrumentendecreet prévoit un nouvel instrument à cet effet.

De plus, les limites imposées aux possibilités de développement sont indemnisées avec les plus-values d’autres développements rémunérateurs. Nous parlons alors d’un « projet régional avec transfert de droits de développement ».

Lorsqu’il est mis en œuvre dans une zone concrète, le système des bénéfices et dommages résultant de la planification spatiale est neutralisé.

Quelle est la différence avec le système bruxellois des charges d’urbanisme? Captations des plus-values et charges d’urbanisme peuvent-elles cohabiter ?

Griet : Les charges d'urbanisme correspondent à une intervention du promoteur immobilier dans les investissements que doivent consentir les pouvoirs publics pour gérer l’implantation d’un projet privé. L’instrumentendecreet entend fixer un cadre (plus) clair à ce niveau aussi. Nous nous sommes donc largement inspirés des pratiques en cours à Bruxelles ! 

Bien que les deux instruments diffèrent effectivement beaucoup, nous observons que le législateur décrétal commence à relier de plus en plus les captations de plus-value et ces charges d’urbanisme. C’est lié au fait d’associer des bénéfices à un fait de départ, qui coïncide souvent avec l’obtention d’un permis d’urbanisme. Ne plus se baser sur un tel “fait de départ” pour du coup capter la plus-value directement à l’entrée en vigueur d’un plan d’aménagement n’est politiquement pas souhaitable.

Par contre, nous en arrivons à des situations où à l’obtention de son permis, un propriétaire paie une taxe sur la plus-value vu qu’un plan rend possible l’octroi de son permis, alors que sa demande peut par ailleurs aussi être soumise à des charges d’urbanisme(financières ou non) du fait de ce permis.

L’interférence entre les deux instruments est dès lors régie par l’instrumentendecreet, qui mentionne explicitement qu’au moment de définir la nature et le volume de la charge, il y a lieu de prendre en compte la part de plus-value qui est dûe.

Merci Griet !

Maintenant que vous ne faites plus partie des nuls, rendez-vous sur notre site internet pour une véritable master class avec Griet. C’est parti !

Informations de fond

Bruxelles et ses eaux

Au cours des deux dernières siècles le système naturel de ruisseaux et de marais du territoire Bruxellois a graduellement été transformé en un système technique de canalisations et de bassins d'orage. Le fleuve central, la Senne, fut enterré sous le centre-ville, tandis que la majorité des huit affluents a été canalisée. Les fluctuations annuelles du fleuve entre le lit mineur et le lit majeur ont été remplacées par une emprise minimale et constante de l'eau, vers une évacuation toujours plus accélérée. Si la canalisation de l'eau a permis la maîtrise technique de son passage, sa capacité à recharger les nappes phréatiques a largement été perdue. Les eaux de pluies et de ruissellements ne sont plus une source de vie, mais sont devenues un problème d'inondations. L'étalement urbain ne cesse de réduire les surfaces perméables, augmentant le volume d'eau à évacuer. Un autre model d'habiter le territoire doit être développé, capable de réduire les risques liés à l'eau, tout en exploitant ses ressources.

Les eaux de pluies et de ruissellements ne sont plus une source de vie, mais sont devenues un problème d'inondations.

Géologie et météorologie

En 1926 Vladimir Vernadski développe la notion de «  biosphère  » comme la couche extérieure de la planète, créée par les végétaux. Grâce à la gravité de la terre, la biosphère fonctionne comme un système fermé, alimenté par les radiations solaires que les plantes transforment en énergie terrestre par la photosynthèse. La biosphère se distingue de la masse de la terre, et représente une force géologique, capable de transformer la planète.

L'espace habité par les hommes se limite à une fine couche dans la biosphère, qui se trouve entre le substrat et l'atmosphère. Trop souvent l'urbanisation n'a pris en compte, ni le dessous ni le dessus de la couche construite. L'urbanisation est à redéfinir comme l'interface intelligente entre les réalités géologiques et les effets météorologiques. A l'image d'une plante qui s'enracine dans le sol pour mieux capter l'énergie solaire, l'homme devrait être capable de s'installer intelligemment dans le sous-sol de son territoire pour mieux profiter des éléments météorologiques tels que le soleil, la pluie et le vent.

Trop souvent l'urbanisation n'a pris en compte, ni le dessous ne le dessus de la couche construite.

Urbanisme Biosphérique

Bruxelles, comme tant d'autres villes, s'est installée à proximité d'un cours d'eau, sur un territoire que ce dernier avait modelé. Les sols fertiles nourrissaient les habitants, tandis que l'eau les reliait au territoire. La transformation de ville en métropole a demandé un agrandissement de l'emprise constructible. L'eau a été refoulée, et le sol a été imperméabilisé. Aujourd'hui la conception de la métropole doit repenser la cohabitation avec l'eau et son substrat.

Nous ne sommes pas des hab itants de la terre ; nous habitons l'atmosphère - Emanuele Ceccia.

Un nouvel « Urbanisme Biosphérique » doit se positionner entre la géologie et la météorologie. Le projet du bassin versant du Molenbeek illustre cet urbanisme entre ciel et terre, améliorant les performances écosystémiques du paysage tout en augmentant les surfaces habitables.

Testcase Molenbeek

Le Molenbeek, un des huit affluents de la Senne, prend source en Flandre et traverse quatre communes de Bruxelles avant de se verser dans la Senne. Défini par le relief, le bassin versant consiste en la zone géographique qui recueille l'ensemble des eaux pluviales qui y tombe.

L'étude de la composition géologique de son sous-sol révèle trois couches très différentes. Dans la vallée, un lit argileux accueille le cours d’eau central vers lequel gravite l'ensemble des eaux pluviales du bassin. Autour de celui-ci, une bande d'alluvions forme un sol très fertile. Et en montant vers les crêtes, une couche sablonneuse permet l'infiltration des eaux sur les coteaux.

Une approche spécifique pour chacune des bandes assurerait la qualité de son écosystème tout en permettant de concevoir un projet urbain répondant à l'augmentation démographique. Nous proposons une transformation à long terme pour un changement radical en 2100. Les actions concentrées sur ces trois bandes, traversant le bassin versant comme trois horizons, feront émerger un nouvel urbanisme qui s'ancre dans la couche géologique pour mieux répondre au climat.

Le Lit Argileux

L'ancien lit majeur se caractérise par une couverture argileuse imperméable, formée par le dépôt de sédiments. Cette bande devrait être dédiée au stockage et à l'épuration naturelle des eaux. Toute nouvelle construction devrait être interdite et le bâti existant non renouvelé. La création de forêts humides, de marais et de prairies humides permettrait de restaurer un écosystème humide et de lutter contre les inondations. Une agriculture hydroponique pourrait optimiser le stockage des eaux. Les parcs existants le long du Molenbeek seraient intégrés dans un grand système de parc linéaire, reliés entre eux par des itinéraires pédestres et cyclables.

Les Rives Alluviales

Cette bande est caractérisée par les alluvions limoneux déposés par le cours d'eau au fil du temps. Ces alluvions confèrent aux sols une grande fertilité et offre l'opportunité de développer l'agriculture urbaine. Espace de transition entre l'espace vital du cours d'eau et le milieu urbain, cette bande pourrait avoir une réelle dimension communautaire et sociale. Des équipements sportifs en plein-air ainsi que de nouveaux bâtiments publics sur pilotis pourraient y être construits, répondant aux risques d'inondations.

Les Coteaux Sablonneux

Située sur les coteaux, cette bande correspond à l'affleurement d'une couche géologique composée de sables fins et de graviers. Très perméable elle constitue une zone de recharge de la nappe phréatique et d'alimentation du Molenbeek. Aujourd'hui, l'urbanisation s'est faite sans prendre en compte la capacité d'infiltration de cette bande. Un nouveau programme de construction pourrait être conçu permettant d'augmenter la surface habitée tout en diminuant l'emprise du bâti.

Cette bande peut devenir une zone privilégiée pour la construction de bâtiments plus hauts, libérant au sol des surfaces perméables. La plantation de bandes végétalisées suivant le relief permettrait de capter les eaux pluviales et de les infiltrer dans le sol. La végétation filtre ces eaux de ruissellement et capture les agents polluants. Ce système aura également pour effet de limiter l'érosion du sol et la surcharge du réseau d'assainissement.

Bas Smets

Le Bureau Bas Smets est l’une des cinq équipes qui examinent la question de plus en plus préoccupante des inondations dans les territoires urbanisés dans le cadre du BRUSSELS URBAN LANDSCAPE BIENNIAL (BULB) - RISING WATERS.

Comment gérer l’évacuation des eaux de pluies de manière intégrée ? L’architecture paysagère peut-elle apporter une réponse à de tels défis et comment ?

Ce titre renvoie aussi à une Expo à BOZAR avec les résultats du travail des cinq équipes. L’exposition est encore ouverte jusqu’au 6 janvier. Et gratuitement !

Plus d’info sur Bas Smets, son équipe et leur projets sur bassmets.be

Après dix ans d’excellents services comme coordinatrice du mouvement urbain BRAL, et encore plus d’années à se battre en son nom pour faire de Bruxelles une ville plus solidaire, abordable et durable, An nous tire aujourd’hui sa révérence pour rejoindre d’autres horizons.

Sa connaissance des dossiers de grands projets comme celui de Tour & Taxi et son approche diplomatique ont fait d’elle une actrice nuancée du contre-pouvoir.

An n’est pas de celles qui tentent coûte que coûte de se mettre à l’avant-plan, mais qui la connaît sait que le travail sera fait.

Sa présence au BRAL a marqué le monde bruxellois en mettant la ville au centre, dans toute sa diversité et ses multiples aspects, avec entre autres succès le projet de ligne de tram le long de Tour et Taxi, le piétonnier au centre ville, la plus grande place faite à la participation dans la planification, comme sur le site Josaphat… Tout cela ne l’a pas empêchée de rester critique quant à l’exécution de ces projets.

Si la gestion de processus et la direction de projet font partie de ses points forts, elle s’adonnait aussi à la gestion de projets immobiliers communautaires via le Community Land Trust Brussel. Quant aux ‘plans d’aménagement directeurs’ (PAD), elle continuera volontiers à les suivre, ne fût-ce que pour voir comment la région s’y prend pour traiter tant d’enjeux à la fois. Et quant à nous, le BRAL...eh bien nous continuerons son travail.

An affectionnait la participation même dans son travail de coordination. Elle était très appréciée par ses collaborateurs car elle leur donnait à chacun une chance d’expérimenter, de se développer, et d’intervenir dans chaque dossier. Elle osait lâcher prise pour mieux laisser grandir. C’est dans cette optique que le BRAL soutient aussi les citoyens et collectifs. Qui connaît An sait qu’elle n’a pas fini d’étonner. Entretemps Piet Van Meerbeek, dans l’équipe du BRAL depuis longue date, devient coordinateur temporaire du mouvement... et nous recruterons d’ici peu un digne successeur.

Mais pourquoi ce départ? Vous demandez-vous peut-être. Chaque habitant et en particulier chaque activiste urbain sait qu’en politique les choses peuvent d’un coup s’accélérer après une longue stagnation (ou l’inverse). Désormais, tout ceci dépendra aussi d’elle ! Car c’est le rôle de chef de cabinet à la Ville de Bruxelles qu’An part prendre, et si nous lui souhaitons tout le meilleur nous savons qu’il ne sera pas loin et que ses collègues peuvent déjà se féliciter d’une telle recrue. Et puis, nous espérons que de là, elle pourra continuer à défendre ce dont les bruxellois ont grand besoin, par ex une meilleure qualité de l’air, un plan communal de mobilité ambitieux et des logements abordables pour tous! Mais avant tout : que les citoyens soient écoutés.

L’équipe du BRAL

Nos chers BRAL’osophes,

Bruxelles, la plus petite région ou la plus grande ville ? C'est une question dont Albert Martens, membre du BRAL, aimerait discuter avec d'autres membres. 

Le temps est-il venu de travailler à une unification au cours des six prochaines années, oui ou non ? Zones de police, quartiers, mobilité, espace public, etc. Quelles sont les conséquences de la fusion de certaines entités administratives ? Ensemble, nous chercherons des solutions. Parce que c'est mieux que tout seuls (;-)).

Alain Maskens et Yvan Vandenbergh de l'asbl Aula Magna savent mieux que quiconque que ce n'est pas chose facile. Le 4 février, ils ont lancé leur livre : Demain Bruxsel - une vision pour libérer notre ville. Ce livre peut servir d'avant-goût à notre rencontre.

Intéressé.e de participer ? Contactez christiaan[at]bral.brussels pour vous inscrire.